Lettres d'offres et de décisions

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Ottawa, le 27 novembre 2020

Dossier de la CIDPHN : 120-868-C1

Dossier de la GCC :.

PAR COURRIEL

Directeur principal de la gestion des incidents

Direction des interventions

Garde côtière canadienne

200, rue Kent (5N177)

Ottawa (Ontario)  K1A 0E6

 

OBJET : Numas Isle – Port Discovery, Campbell River (Colombie-Britannique)

    Date de l'incident : 2018-09-09

 

SOMMAIRE ET OFFRE D'INDEMNITÉ

Cette lettre est en réponse à une demande d'indemnisation présentée par la Garde côtière canadienne (la « GCC ») relativement au navire de pêche Numas Isle (le « navire », appelé Namus Isle dans certaines parties de la demande d'indemnisation de la GCC), qui a été impliqué dans un incident survenu le 9 septembre 2018 dans le port Discovery, à Campbell River, en Colombie-Britannique (l'« incident »).

Le 1er septembre 2020, le bureau de l'administrateur de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (la « Caisse ») a reçu une demande d'indemnisation de la GCC au nom de l'administrateur. Dans sa demande d'indemnisation, la GCC a réclamé des frais s'élevant à 30 169,93 $ pour les mesures d'intervention qu'elle a prises en réponse à l'incident.

La demande d'indemnisation a été examinée et une décision a été prise concernant les frais réclamés. Par la présente, une offre d'indemnité est faite à la GCC conformément aux articles 105 et 106 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la « LRMM »).

La somme de 23 285,10 $ (l'« offre ») est offerte à la GCC relativement à sa demande d'indemnisation, plus les intérêts prévus par la loi qui seront calculés à la date où la somme offerte sera versée, en conformité avec l'art. 116 de la LRMM.

Les motifs de l'offre sont exposés ci-après, ainsi qu'une description de la demande d'indemnisation de la GCC.

***

DEMANDE D'INDEMNISATION REÇUE

La demande d'indemnisation comprend un exposé qui décrit les événements liés à l'incident. Elle comprend aussi un sommaire des frais réclamés par la GCC, ainsi que des documents justificatifs. Dans la mesure où l'exposé et les documents justificatifs se rapportent à la décision, ils sont examinés ci-après.

L'exposé et les photos

D'après l'exposé, le 9 septembre 2018 :

[traduction]

Le Service de pollution du COR a téléphoné pour aviser qu'un ancien navire de pêche de 48 pi, le Numas Isle, avait coulé près du quai de la marina du port Discovery, à Campbell River. On a observé que du carburant s'échappait de l'évent de mise à l'air du côté bâbord et remontait à la surface de l'eau. L'administration portuaire a déployé des barrages flottants pour contenir le carburant et les autres contaminants. Le navire de pêche avait été converti en habitation flottante. Il est impossible de trouver le propriétaire actuel […]. La quantité de carburant se trouvant à bord du navire est inconnue.

La station de bateau de sauvetage de Campbell River a été chargée d'évaluer la situation et d'aider à atténuer toute menace de pollution. À leur arrivée, les membres de la station de bateau de sauvetage ont observé une irisation d'hydrocarbures. Un autre barrage flottant et des matelas absorbants ont été placés autour du navire. Il y avait une forte odeur de carburant dans l'air, et on a constaté que le vent avait poussé une nappe d'hydrocarbures sur la rive ouest du port.

À ce stade, il a été déterminé qu'une opération de sauvetage était nécessaire (le propriétaire était introuvable, et le navire avait à son bord une quantité inconnue de polluants qui se déversaient dans l'eau). Communiqué avec une compagnie de sauvetage, Rilaur Enterprise Ltd. Le plan est d'utiliser des plongeurs (Pacific Pro Dive) pour placer des sacs de levage gonflables, renflouer le navire, vider l'eau à l'aide de pompes, et éliminer toute autre menace de pollution de l'environnement marin, y compris l'enlèvement du navire si nécessaire. Une inspection maritime sera faite une fois que le navire sera remis à flot.

La station de bateau de sauvetage de Campbell River a utilisé 5 ballots de matelas absorbants (chaque ballot contient 100 matelas) et 5 ballots de barrages flottants (chaque ballot contient 40 pieds) durant l'opération de nettoyage initiale. Il est estimé que 200 à 300 litres de carburant diesel et d'huile ont été récupérés.

Le 10 septembre 2018, la GCC a communiqué avec quatre experts maritimes afin d'évaluer l'état du navire coulé une fois qu'il serait remis à flot. Seulement un de ces experts maritimes a répondu à la requête de la GCC, mais il n'était pas disponible immédiatement. Par conséquent, la GCC a décidé de renoncer à faire une inspection professionnelle et d'effectuer sa propre évaluation avec l'aide d'un des entrepreneurs.

L'exposé se poursuit ainsi :

[traduction]

 

Le personnel d'intervention environnementale a été incapable de se rendre à Campbell River à cause d'un éboulement de rochers qui a bloqué la route Transcanadienne (Malahat). La compagnie de sauvetage, Rilaur Enterprise Ltd, va évaluer l'état du navire. L'opération de sauvetage du navire a débuté à 7 h 30 (heure locale). Au début de l'après-midi, le navire avait été renfloué suffisamment, à l'aide de sacs de levage gonflables, pour être remorqué jusqu'à une rampe d'accès à l'eau qui se trouvait non loin. Les sacs de levage gonflables ont dû être laissés en place sur le navire, parce que le pompes ne suffisaient pas à vider l'eau qui s'y infiltrait.

 

Une compagnie d'élimination de déchets, Hetherington Industries, est arrivée et a enlevé tous les sacs à déchets qui contenaient des barrages flottants et des matelas souillés. Tous les autres contaminants ont été enlevés par la compagnie de sauvetage.

 

L'état du navire a été évalué et on a constaté qu'il était en mauvais état. Le moteur et les appareils électroniques étaient détruits après avoir été submergés pendant plusieurs jours. La quantité de carburant et d'huile se trouvant à bord du navire était inconnue, mais environ 200 à 300 litres d'un mélange de carburant et d'huile ont été récupérés à l'aide de barrages flottants et de matelas absorbants. De nombreux bordages étaient pourris, en mauvais état et très saturés de polluants, au point où le navire constituait une grave menace pour l'environnement marin. La meilleure solution pour éliminer la menace de pollution était de sortir le navire de l'eau et de le déconstruire.

 

L'exposé se termine ainsi :

[traduction]

 

À marée haute, le navire a été sorti de l'eau à l'aide d'une excavatrice par une compagnie de construction locale (Alec Wood Bulldozing). Le navire a ensuite été déconstruit et placé dans des camions à benne pour être mis au rebut.

 

La compagnie de sauvetage a achevé les travaux généraux de nettoyage de l'endroit, y compris l'enlèvement des barrages flottants, des matelas absorbants et des débris souillés qui restaient. Les travaux ont pris fin vers 22 h 00.

 

La demande d'indemnisation comprend plusieurs photos en couleurs, sans date ni légende, qui illustrent certaines parties de l'intervention. Certaines de ces photos montrent une irisation d'hydrocarbures dans un port, et d'autres montrent le navire. Dans une de ces photos, on peut voir le navire en train d’être sorti de l’eau.

Sommaire des frais

Les frais réclamés dans la demande d'indemnisation de la GCC sont résumés comme suit :[1]

Graphical user interface, application

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Figure 1 – Copie d'écran du sommaire des frais de la GCC

Documents des entrepreneurs

Les frais réclamés pour les services des entrepreneurs sont résumés dans la demande d'indemnisation comme suit :

Figure 2 – Copie d'écran du sommaire des frais des entrepreneurs

Chacun des montants indiqués dans la figure 2 est justifié par une facture détaillée. La facture de Rilaur Enterprises Ltd. (« Rilaur ») comprend aussi un rapport d'attribution des tâches, qui se lit comme suit :

[traduction]

 

9 septembre 2018

Nous avons reçu un appel […] nous demandant de nous occuper du navire Numas Isle qui avait coulé dans le port Discovery. Nous avons quitté l'île Stuart à 10 h 30 et nous sommes arrivés au navire à 13 h 45. Nous avons évalué l'état du navire et nous avons placé d'autres barrages flottants et matelas absorbants autour de l'endroit. Nous avons appelé les plongeurs, et ils ont dit qu'ils seraient disponibles le lendemain matin. Nous avons terminé à 14 h 45. (4,5 heures)

 

10 septembre 2018

Nous avons quitté le secteur sud du port à 6 h 45 et nous sommes arrivés au navire coulé à 7 h 00. Nous avons récupéré le matériel absorbant souillé d'hydrocarbures et nous en avons placé d'autre. Nous avons mis en place les sacs de levage gonflables et nous avons levé le navire autant que nous avons pu. Nous avons installé la pompe et nous avons commencé à vider l'eau, mais c'était inefficace en raison du mauvais état de la coque. Nous avons ensuite remorqué le navire jusqu'à la rampe d'accès à l'eau à 15 h 30, et nous avons fixé le câble de remorquage à une excavatrice pour tirer le navire jusqu'à la plage à mesure que la marée montait. Nous avons tiré le navire jusqu'au haut de la rampe, et les travaux de démolition ont commencé. Nous avons continué à récupérer les débris flottants autour du lieu de travail près de la rampe, et nous avons utilisé des projecteurs d'illumination lorsque la noirceur est venue. Nous avons terminé à 21 h 45. Nous sommes retournés au secteur sud du port, et nous avons terminé à 10 h 00. (15,25 heures)

 

11 septembre 2018

Nous sommes retournés au port Discovery pour évaluer la situation et vérifier à la lumière du jour s'il restait des débris et une irisation d'hydrocarbures. Nous avons ramassé les morceaux flottants de styromousse et de bois qui restaient, et nous avons récupéré les derniers matelas absorbants. Nous avons terminé à 8 h 15. (1,25 heure)

La facture de Rilaur comprend aussi la description détaillée suivante des services fournis :

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Figure 3 – Copie d'écran de la facture de Rilaur

La facture de Pacific Pro Dive Ltd. (« Pacific Pro »), dont le total partiel s'élève à 13 796,00 $, plus la TPS de 668,00 $, comprend la description détaillée suivante des services fournis :

Table

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Figure 4 – Copie d'écran de la facture de Pacific Pro

La facture de A. Wood Bulldozing Ltd. (« AWB ») comprend la description détaillée suivante des services fournis :

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Figure 5 – Copie d'écran de la facture d'AWB

Enfin, la facture de Hetherington Industries Limited (« Hetherington ») comprend la description détaillée suivante des services fournis :

Text

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Figure 6 – Copie d'écran de la facture de Hetherington

Registres quotidiens du personnel et de l'équipement

Deux registres du personnel et de l'équipement (les « registres ») sont joints à la demande d'indemnisation de la GCC. Les registres sont datés du 9 et du 10 septembre 2018 respectivement.

À part d'indiquer le nom du commandant de l'intervention de la GCC et ses heures de travail, les registres ajoutent peu de détails au contenu de l'exposé. L'entrée du 10 septembre 2018 donne essentiellement la même description du navire que celle fournie dans l'exposé à la même date, en plus d'indiquer qu'il restait de l'huile à moteur à bord et que le navire serait considéré comme une épave souillée d'hydrocarbures parce que ses bordages étaient saturés de polluants.

D'après les registres, le commandant de l'intervention a travaillé de 9 h 02 à 16 h 30 (juste un peu moins de 7,5 heures) le 9 septembre 2018, et de 15 h 40 à 21 h 48 (un peu plus de 6 heures) le 10 septembre 2018. Cette dernière entrée comprend une note disant [traduction] « 1 heure de travail supplémentaire ».

Les registres n'indiquent aucun autre membre du personnel de la GCC et ne donnent aucun détail sur l'utilisation de véhicules.

Autres documents internes de la GCC

La demande d'indemnisation comprend seulement le sommaire suivant pour justifier les frais de salaire réclamés pour trois membres du personnel de la GCC :

A picture containing table

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Figure 7 – Copie d'écran du sommaire des frais de salaire du personnel de la GCC (les noms des membres du personnel ont été caviardés)

D'autres sommaires ont été fournis à l'appui des frais réclamés pour les heures de travail supplémentaires, l'équipement de lutte contre la pollution, l'utilisation de véhicules et l'administration. Les frais réclamés pour les heures de travail supplémentaires correspondent aux notes indiquées dans les registres. Les frais d'usage de matériel absorbant, qui ont été inclus dans les frais réclamés pour l'équipement de lutte contre la pollution, correspondent aussi aux chiffres indiqués dans l'exposé et les registres.

***

CORRESPONDANCE DE LA CAISSE AVEC LE DEMANDEUR

Le 24 septembre 2020, la Caisse a envoyé la demande suivante par courriel au surintendant de l'intervention environnementale intérimaire de la région de l'Ouest de la GCC. L'objet du courriel se lisait comme suit : [traduction] « Demande d'indemnisation de la GCC concernant le Namus Isle – Notre dossier 120-868-C1-B ».

[traduction]

[…] Vous dites dans l'exposé que de nombreux bordages étaient très saturés de polluants. Il me faut des preuves tangibles qui le démontrent.

Je constate que l'état du navire a d'abord été évalué par les membres du personnel de la station de bateau de sauvetage de la GCC; il se peut qu'ils aient des copies de registres, de photos, de notes prises sur le terrain et de messages documentant leur évaluation initiale du navire. D'après l'exposé, l'entrepreneur a évalué l'état du navire; il se peut qu'il ait pris des photos datées et annotées de l'intérieur du navire montrant les bordages saturés d'hydrocarbures.

Je vous demande de bien vouloir me faire parvenir vos preuves au plus tard le 7 octobre.

Le surintendant intérimaire a répondu à la Caisse le même jour. Il a joint à sa réponse quatre photos décrites comme montrant l'intérieur d'un autre navire (c.-à-d. pas le Numas Isle). Les paragraphes pertinents de la réponse reçue par courriel se lisaient comme suit :

[traduction]

J'ai joint des photos montrant que les poutres et les membrures du compartiment moteur du navire de pêche Teresa Anne étaient souillées d'hydrocarbures.

[…] Est-ce que [les bordages du navire] devraient être envoyés à un laboratoire pour déterminer à quel point ils sont « souillés »? […] J'espère que les notes prises par les agents de la GCC qui ont constaté que les bordages étaient souillés seront suffisantes pour permettre à la Caisse de poursuivre son évaluation. 

Par ailleurs, […] bien que j'aimerais demander à mon personnel de prendre le temps de décrire les polluants en détail, je dois tenir compte du risque que cela présente pour les employés. […]

Le 24 septembre 2020, la Caisse a répondu par courriel : [traduction] « Les photos sont de bons exemples du genre de preuve à fournir. J'attends avec intérêt de recevoir votre réponse à la demande de preuves concernant le Namus Isle.

À ce jour, aucune autre correspondance n'a été reçue de la GCC à ce sujet.

***

CONCLUSIONS ET DÉCISIONS

La demande d'indemnisation de la GCC pourrait être admissible selon l'article 103 de la LRMM

L'incident a causé ou a menacé de causer des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans la mer territoriale ou les eaux intérieures du Canada, et il a occasionné des frais pour la prise de mesures visant à prévenir d'autres dommages. La demande d'indemnisation relative à l'incident pourrait donc être admissible.

La GCC est un demandeur admissible pour l'application de l'art. 103 de la LRMM.

La demande d'indemnisation a été reçue avant l'expiration des délais prescrits au paragraphe 103(2) de la LRMM.

Certains frais réclamés semblent avoir été engagés pour la prise de mesures raisonnables visant à « prévenir, contrer, réparer ou réduire au minimum » les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par un navire, comme le prévoit la partie 6, section 2 de la LRMM, et ils pourraient donc être indemnisables.

Par conséquent, la demande d'indemnisation pourrait être admissible selon l'art. 103 de la LRMM.

Identification du navire

L'enquête a jeté le doute sur le nom du navire indiqué dans certaines parties des documents fournis par la GCC. Une recherche a été faite dans les registres de Transports Canada. Aucun renseignement sur l'immatriculation d'un navire appelé « Namus Isle » n'a été trouvé. Cependant, un examen plus approfondi des registres de Transports Canada a permis de trouver des renseignements sur l'immatriculation d'un navire appelé « Numas Isle ». Les détails de l'immatriculation du Numas Isle correspondent à peu près à ceux du navire : une longueur de 44,3999 mètres, comparativement à la longueur de 48 pieds indiquée par la GCC; le type et le matériau de construction sont les mêmes; et le dernier propriétaire inscrit est le même que celui nommé dans la demande d'indemnisation de la GCC.

Il est donc conclu que le navire était en fait le Numas Isle, qui est inscrit dans le registre d'immatriculation de Transports Canada sous le numéro matricule 348910.

Conclusions concernant les preuves fournies par la GCC

Les faits de l'incident présentés par la GCC sont généralement acceptés

La GCC a joint à sa demande d'indemnisation un exposé qui décrit les faits de l'incident de façon assez détaillée. Cette description des événements importants est acceptée comme étant généralement exacte. Cependant, il y a des lacunes importantes dans la preuve qui sont décrites en détail ci-après.

La menace de pollution que posait le navire et les mesures prises en réponse à celle-ci

Il est accepté que l'incident, tel qu'il a été décrit par la GCC, a causé un rejet d'hydrocarbures qui risquait d'occasionner des dommages à l'environnement, et que l'incident a aussi menacé de causer de futurs rejets d'hydrocarbures. Pendant que le navire était sous l'eau, on ne savait pas quelle quantité d'hydrocarbures il restait à bord. Il est accepté que le navire a continué de rejeter des hydrocarbures, comme en témoignent l'irisation d'hydrocarbures observée à la surface de l'eau et le fait que Rilaur ait remplacé le matériel absorbant dans l'eau le 10 septembre 2018. Par conséquent, il est conclu que le renflouement et l'enlèvement du navire, ainsi que l'élimination du matériel absorbant souillé, étaient des mesures raisonnables prises en réponse à une menace démontrée de pollution par les hydrocarbures. Toutes ces mesures ont été prises par les quatre entrepreneurs engagés par la GCC entre le 9 et le 11 septembre 2018.

Dans sa demande d'indemnisation, la GCC a omis d'inclure certains documents importants concernant les entrepreneurs, notamment les énoncés des travaux ainsi que les tarifs convenus. Dans ce cas-ci, les factures des quatre entrepreneurs, ajoutées à d'autres preuves, ont été suffisantes pour établir la raisonnabilité d'une grande partie des frais réclamés, mais, dans d'autres cas, une telle omission aurait pu entraîner le rejet de ces frais. L'absence de preuves présumément disponibles pour établir une demande d'indemnisation peut mener à une conclusion défavorable si les frais réclamés ne sont pas suffisamment justifiés.

À part les frais réclamés pour le matériel absorbant qui a été déployé le 9 septembre 2018, qui sont jugés raisonnables, la GCC n'a réclamé aucuns frais pour les efforts déployés par sa station de bateau de sauvetage de Campbell River.

La GCC n'a pas justifié ses affirmations selon lesquelles le navire lui-même était une épave souillée d'hydrocarbures

Dans son exposé et ses registres, la GCC affirme que les bordages du navire étaient saturés de « polluants », à tel point que le navire lui-même constituait une source de pollution et qu'il était justifié de le déconstruire parce qu'il était une « épave souillée d'hydrocarbures ». Ces affirmations sont problématiques pour un certain nombre de raisons.

Bien que la Caisse reconnaisse et accepte que la GCC ait probablement voulu dire « hydrocarbures » au lieu de « polluants », il y a une distinction cruciale entre ces deux termes. Alors que « polluant » est défini de façon large dans la LRMM, la définition d'« hydrocarbures », qui entre pleinement dans celle de « polluant », est beaucoup plus étroite. Par ailleurs, bien que le mandat de la GCC en vertu de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, L.C. 2001, ch. 26, couvre toutes sortes de polluants, la responsabilité de la Caisse aux termes de la partie 7 de la LRMM se limite aux hydrocarbures. Par conséquent, les affirmations de la GCC, même si elles sont acceptées à la lettre, sont en soi insuffisamment précises pour engager la responsabilité de la Caisse. Comme il a été noté au début de ce paragraphe, la Caisse reconnaît et accepte par déduction le sens voulu du terme employé par la GCC. Cependant, la déduction a ses limites et les demandeurs ne devraient pas s'y fier lorsqu'il est possible d'être précis.

Après le 9 septembre 2018, lorsque le personnel de la station de bateau de sauvetage de la GCC était sur les lieux, la GCC semble avoir géré la totalité de son intervention à distance, depuis Victoria. Il semble également que Rilaur ait été engagé comme principal entrepreneur de la GCC, qu'il ait retenu les services d'autres entrepreneurs selon les besoins, et qu'il ait fait rapport au commandant de l'intervention de la GCC, vraisemblablement par téléphone. Bien que ce ne soit pas tout à fait clair d'après le dossier, il semble que la GCC ait décidé de déconstruire le navire en se fondant uniquement sur l'évaluation faite par Rilaur, qui semble avoir été communiquée de vive voix et non pas par écrit. Aucune des photos fournies par la GCC ne montre l'intérieur du navire, et encore moins que celui-ci était saturé d'hydrocarbures. Des notes prises à la suite d'une conversation avec un entrepreneur de Campbell River sont la seule preuve que la GCC a fournie pour justifier sa décision de déconstruire le navire. Le fait que la GCC se soit fiée à une déclaration de seconde main pour établir le besoin de poursuivre son intervention est problématique.

La GCC a tenté d'engager un expert maritime pour évaluer l'état du navire à court préavis, mais ses tentatives ont été infructueuses. Bien que le rapport d'une inspection indépendante ait peut-être été utile pour justifier les affirmations de la GCC, une preuve moins coûteuse aurait probablement suffi. Si les bordages du navire étaient bel et bien saturés d'hydrocarbures, des photos datées et annotées montrant ces bordages pourraient bien avoir constitué une preuve suffisante.

Enfin, bien qu'il soit admis qu'il restait probablement de l'huile dans le moteur du navire, et peut-être aussi du carburant dans les réservoirs, la preuve est insuffisante ou inexistante. Les réservoirs de carburant ne semblent avoir été inspectés à aucun moment durant l'intervention, et la probabilité de la présence d'huile à moteur dans un système fermé est rarement suffisante pour justifier les frais de déconstruction d'un navire entier.

Durant le processus d'évaluation, la Caisse a demandé à la GCC de fournir d'autres preuves pour justifier la déconstruction du navire. La réponse de la GCC à cette demande n'a apporté rien d'utile.

En l'absence d'une quelconque preuve directe, on ne peut conclure que les bordages du navire étaient saturés d'hydrocarbures. Par conséquent, il n'a pas été établi que les services de déconstruction et d'élimination du navire fournis par AWB étaient des mesures raisonnables prises en réponse à la pollution par les hydrocarbures.

Les problèmes concernant les documents d'attribution des tâches du personnel et les frais réclamés à cet égard

Les documents de la GCC concernant l'attribution des tâches de son personnel ne sont pas clairs et sont contradictoires. Cela entraînerait normalement une réduction des frais réclamés, mais il semble que le nombre réel d'heures de travail que le personnel de la GCC a consacré à l'intervention soit en fait plus élevé que ce qui est indiqué dans la demande d'indemnisation.

La majeure partie de l'intervention en réponse à l'incident a été gérée à distance par le personnel de la GCC à Victoria. Les registres montrent un total d'environ 13,5 heures de travail pour le commandant de l'intervention de la GCC, y compris une seule heure de travail supplémentaire. Bien que l'heure de travail supplémentaire réclamée par la GCC concorde avec les registres, les 4,5 heures normales de travail réclamées pour chacun de trois différents membres du personnel de la GCC ne cadrent pas avec ceux-ci (voir la figure 7, qui fait référence aux registres).

Malgré les incohérences susmentionnées, il est accepté que le nombre d'heures de travail du commandant de l'intervention consigné dans les registres est exact, et que ce nombre représente une attribution raisonnable des tâches de coordination. Il est aussi accepté qu'un certain nombre de membres du personnel de la GCC ont tenté de se rendre à Campbell River à bord d'un véhicule le 10 septembre 2018, mais qu'ils ont dû rebrousser chemin parce que la route était fermée. Il est reconnu que la fermeture de la route était imprévisible, et qu'une tentative de dépêcher du personnel sur les lieux de l'incident était raisonnable dans les circonstances.

À la lumière de ce qui précède, et en partie parce qu'il est probable que le nombre d'heures de travail du personnel de la GCC soit en fait plus élevé que ce qui indiqué dans les documents de la demande d'indemnisation (p. ex., le travail effectué par le personnel de la station de bateau de sauvetage de Campbell River), les frais de personnel réclamés par la GCC sont considérés comme découlant de mesures raisonnables prises en réponse à la pollution par les hydrocarbures.

***

DÉTAILS DE LA DEMANDE D'INDEMNISATION ET DE L'OFFRE

Les frais que la GCC a réclamés à la Caisse sont répartis en six annexes, dont chacune est examinée brièvement ci-dessous.

En vertu de la partie 7 de la LRMM, les mesures prises en réponse à un incident de pollution par les hydrocarbures et les frais qui en résultent doivent être raisonnables pour être indemnisables par la Caisse. Dans la mesure où les motifs n'ont pas déjà été exposés dans la présente lettre, les paragraphes suivants expliquent pourquoi certaines portions de la demande d'indemnisation de la GCC ont été jugées recevables et d'autres ont été rejetées.

Annexe 2 – Services contractuels                                                     Montant réclamé : 28 834,97 $

Les services contractuels étaient répartis entre quatre compagnies :

Compagnie

Description des travaux

Montant réclamé

Rilaur

Surveillance de l'intervention en réponse à l'incident, déploiement de matériel absorbant, nettoyage de l'endroit

5 734,00 $

Pacific Pro

Renflouement du navire

14 464,00 $

AWB

Enlèvement, déconstruction et élimination du navire

8 127,72 $

Hetherington

Élimination du matériel absorbant souillé

509,25 $

 Tableau 1 – Sommaire et brève description des frais réclamés pour les services contractuels

Pour les motifs déjà exposés ci-haut, tous les frais associés à Rilaur, Pacific Pro et Hetherington sont acceptés en entier.

En ce qui concerne les frais réclamés pour les services d'AWB, seules les portions relatives à la mobilisation, à la sortie du navire de l'eau et à la démobilisation sont acceptées. Une photo montre une excavatrice Caterpillar qui sort le navire de l'eau. La facture d'AWB illustrée à la figure 5 montre que deux excavatrices (« 220Komatsu » et « 330DL ») ont été utilisées. Étant donné que l'excavatrice 330DL est un modèle de Caterpillar, les détails de la facture concernant cette excavatrice ont été utilisés pour faire un calcul approximatif des frais engagés pour sortir le navire de l'eau. D'après la facture d'AWB à la figure  5, l'usage de cette excavatrice a coûté 204,70 $ l'heure, plus un montant de 979,00 $ pour la mobilisation et la démobilisation à Campbell River. Étant donné que le navire a été sorti de l'eau sur une rampe d'accès, il est considéré qu'une seule heure aurait suffi pour accomplir le travail. Ainsi, un total partiel de 1 183,70 $, plus la TPS de 59,19 $, est accepté pour la facture d'AWB, soit un total de 1 242,89 $.

Les autres frais réclamés pour les services d'AWB, qui s'élèvent à 6 884,83 $, sont considérés comme ayant été engagés pour déconstruire et éliminer le navire, mais la preuve ne montre pas que ces travaux étaient des mesures raisonnables prises en réponse à la pollution par les hydrocarbures. Par conséquent, ces frais ne sont pas acceptés.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux services contractuels est recevable au montant de 21 950,14 $.

Annexe 4 – Salaires ­– Personnel à temps plein                         Montant réclamé : 583,61 $

Bien que la preuve ne montre pas clairement le nombre exact d'heures normales de travail du personnel de la GCC en réponse à l'incident, il est accepté que ce nombre est probablement plus élevé que le nombre d'heures qui a été réclamé. Pour les motifs exposés ci-haut, il est accepté que les frais de salaire réclamés ont été engagés pour faciliter la prise de mesures en réponse à la pollution par les hydrocarbures.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux salaires est recevable en entier au montant de 583,61 $.

Annexe 5 – Heures de travail supplémentaires : Personnel à temps plein    

Montant réclamé : 54,03 $

 

La GCC a réclamé les frais d'une seule heure de travail supplémentaire pour le commandant de l'intervention le 10 septembre 2018, à son taux de salaire normal majoré de 50 %, sans compter les avantages sociaux. Tout comme les frais des heures normales de travail réclamés ci-haut, cette heure de travail supplémentaire semble être associée aux tâches de supervision à distance effectuées à Victoria. Comme dans le cas des frais réclamés pour les heures normales de travail, il est accepté que les frais de l'heure de travail supplémentaire ont été engagés pour faciliter la prise de mesures en réponse à la pollution par les hydrocarbures.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux heures de travail supplémentaires est recevable en entier au montant de 54,03 $.

Annexe 11 – Équipement de lutte contre la pollution                            Montant réclamé : 600,00 $

La demande d'indemnisation de la GCC indique que le personnel de la station de bateau de sauvetage de Campbell River a utilisé cinq ballots de barrage flottant et cinq ballots de matelas absorbants durant son intervention initiale en réponse à l'incident le 9 septembre 2018, et que cela a coûté en tout 375,00 $ et 225,00 $ respectivement. L'usage de ce matériel absorbant est considéré comme une mesure raisonnable prise en réponse à la pollution par les hydrocarbures.

La portion de la demande d'indemnisation relative à l'équipement de lutte contre la pollution est recevable en entier au montant de 600,00 $.

Annexe 12 – Véhicules                                                                            Montant réclamé : 82,29 $

La GCC a réclamé les frais d'utilisation d'un véhicule pour son intervention en réponse à l'incident, un [traduction] « Ford vert » de modèle 2018 (12-833), qui semble avoir quitté Victoria à destination de Campbell River dans la matinée du 10 septembre 2018, mais qui a dû rebrousser chemin parce que la route était fermée. Le véhicule en question a parcouru 76 kilomètres ce jour-là.

La GCC a réclamé un taux quotidien de 65,57 $ pour l'usage de ce véhicule, plus les frais de carburant au taux de 0,22 $ le kilomètre, soit 16,72 $.

Pour les motifs exposés ci-haut, il est accepté que la tentative d'envoyer du personnel de la GCC sur les lieux de l'incident était raisonnable dans les circonstances. De plus, les frais réclamés pour l'usage du véhicule sont raisonnables et correspondent aux directives de la GCC sur l'établissement des coûts.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux véhicules est recevable en entier au montant de 82,29 $.

Annexe 13 – Administration                                                                    Montant réclamé : 15,03 $

Dans sa demande d'indemnisation, la GCC a réclamé des frais d'administration au taux de 3,09 % qui ont été appliqués aux frais de salaire réclamés, moins la majoration de 20 % représentant les frais du régime d'avantages sociaux des employés.

Le taux de 3,09 % est généralement accepté comme étant raisonnable, et le montant des frais réclamés est aussi jugé raisonnable dans le contexte de l'ensemble de l'intervention en réponse à l'incident.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux frais d'administration est recevable en entier au montant de 15,03 $.

***

SOMMAIRE DE L'OFFRE ET CONCLUSION

Le tableau suivant montre un sommaire des frais réclamés et des frais recevables relativement à la demande d'indemnisation de la GCC concernant le navire :

Annexe

Montant réclamé

Montant recevable

2 – Services contractuels

28 834,97 $

21 950,14 $

4 – Salaires – Personnel à temps plein

583,61 $

583,61 $

5 – Heures de travail supplémentaires – Personnel à temps plein

54,03 $

54,03 $

11 – Équipement de lutte contre la pollution

600,00 $

600,00 $

12 – Véhicules

82,29 $

82,29 $

13 – Administration

15,03 $

15,03 $

Totaux

30 169,93 $

23 285,10 $

Tableau 2 – Sommaire des montants réclamés et des montants recevables

Le montant des frais recevables s'élève à 23 285,10 $. Si l'offre est acceptée, ce montant sera payé en plus des intérêts prévus par la loi qui seront calculés à la date du paiement.

***

Dans votre examen de l'offre, veuillez prendre note des choix et des délais suivants énoncés à l'article 106 de la LRMM.

Vous disposez d'un délai de 60 jours, à compter de la réception de l'offre, pour aviser le soussigné si vous l'acceptez. Vous pouvez nous informer de votre acceptation de l'offre par tout moyen de communication, au plus tard à 16 h 30 (heure de l'Est) le dernier jour du délai. Si vous acceptez l'offre, la somme offerte vous sera versée sans tarder.

Autrement, vous pouvez, dans les 60 jours suivant la réception de l'offre, interjeter appel devant la Cour fédérale. Si vous souhaitez interjeter appel de l'offre, conformément aux règles 335(c), 337 et 338 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, vous pouvez le faire en déposant un avis d'appel établi selon la formule 337. Vous devez le signifier à l'administrateur, qui sera désigné à titre d'intimé dans l'appel. En vertu des règles 317 et 350 des Règles des Cours fédérales, vous pouvez demander une copie certifiée conforme des documents de l'office fédéral.

La LRMM prévoit que si nous ne sommes pas avisés de votre choix dans le délai de 60 jours, vous serez présumé avoir refusé l'offre. Aucune autre offre ne sera faite.

Enfin, lorsque le demandeur accepte l'offre d'indemnité faite par la Caisse, celle-ci devient subrogée dans les droits du demandeur relativement à l'objet de la demande d'indemnisation. Le demandeur doit alors cesser tous ses efforts de recouvrement, et il doit coopérer avec la Caisse dans ses efforts pour recouvrer par subrogation la somme qu'elle a versée.

Je vous prie d'agréer mes meilleures salutations.

L'administrateur adjoint de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires,

 

Mark A.M. Gauthier, B.A., LL.B.

 



[1] En raison d'une présumée erreur d'arrondissement, la somme des montants réclamés par la GCC s'élève en fait à 30 169,93 $, soit 0,01 $ de plus que ce qui est indiqué dans la figure 1.

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