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LETTRE DE DÉCISION

 

Ottawa, le 19 mars 2021

Dossier de la CIDPHN : 120-835

Dossier de la GCC :

PAR COURRIEL

Gestionnaire, Services et planification d’intervention

Garde côtière canadienne

200, rue Kent (5N167)

Ottawa (Ontario)  K1A 0E6

 

OBJET : Atrevida – Maple Bay (Colombie-Britannique)

    Date de l'incident : 2018-12-20

 

SOMMAIRE ET OFFRE

[1]   Le 23 décembre 2020, le bureau de l'administrateur de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (la « Caisse ») a reçu une demande d'indemnisation de la Garde côtière canadienne (la « GCC »). Cette demande d'indemnisation a été présentée à l'administrateur de la Caisse relativement au navire à moteur Atrevida (le « navire »), qui s'est échoué près de la pointe Arbutus, à Maple Bay, en Colombie-Britannique, le 20 décembre 2018 (l'« incident »).

[2]    Le 20 décembre 2018, la GCC a été avisée qu'un ancien traversier d'une longueur de 60 pieds avait rejeté des hydrocarbures dans l'eau près de Maple Bay, en Colombie-Britannique. La GCC a pris des mesures en réponse à l'incident et elle a engagé des frais au cours de son intervention. Le montant des frais réclamés par la GCC dans sa demande d'indemnisation s'élève à 223 719,10 $.

[3]   Les demandes d'indemnisation présentées à l'administrateur en vertu de l'article 103 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6, modifiée (la « LRMM »), doivent être reçues dans un délai de deux ans suivant la date à laquelle les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures se sont produits. Bien que la demande d'indemnisation ait été datée du 14 décembre 2020 et qu'elle ait présumément été envoyée à cette date, elle n'est arrivée au bureau de l'administrateur que le 23 décembre 2020. Par conséquent, pour les motifs exposés ci-après, la demande d'indemnisation doit être rejetée.

LES FAITS ÉNONCÉS DANS LA DEMANDE D'INDEMNISATION REÇUE

[4]   Le 20 décembre 2018, la GCC a été avisée qu'un ancien traversier d'une longueur de 60 pieds s'était échoué près de Maple Bay, en Colombie-Britannique. Cet ancien traversier était le navire (l'Atrevida).

 

[5]     Lorsque le personnel d'intervention d'urgence est arrivé sur les lieux, le navire avait une inclinaison de 45 degrés et il y avait une irisation d'hydrocarbures dans l'eau autour du navire. Trois membres du personnel d'intervention d'urgence sont arrivés de Victoria, mais ils ont déterminé que les conditions météorologiques étaient trop mauvaises pour prendre des mesures en réponse à l'incident de pollution. À cette date, les tentatives pour communiquer avec le propriétaire du navire s'étaient avérées infructueuses.

 

Figure 1- Photo tirée de l'exposé de la GCC montrant le navire

 

[6]   La coque du navire se déformait sur les rochers sous son propre poids. Cette déformation augmentait le risque de pollution. On craignait que le navire ne se brise s'il n'était pas renfloué correctement, ce qui aurait causé un rejet d'hydrocarbures dans l'eau.

 

[7]   Le 27 décembre 2018, le propriétaire de l'Atrevida a dit qu'il assumait la responsabilité du navire et qu'il allait fournir un plan pour le déconstruire. Au 8 janvier 2019, le propriétaire n'avait pas encore fourni le plan de déconstruction du navire.

[8]   Le 8 janvier 2019, la GCC a communiqué avec deux entrepreneurs qui étaient disponibles pour déconstruire le navire. Heavy Metal a entrepris l'opération de sauvetage le 14 janvier.

[9]   Un certain nombre d'engins lourds ont été utilisés durant l'opération de sauvetage, y compris un remorqueur, un chaland ayant une excavatrice, un chaland vide pour y déposer les matériaux récupérés, ainsi qu'un barrage flottant pour contenir les débris durant la déconstruction.

[10]           Le 15 janvier 2019, les entrepreneurs ont continué de déconstruire le navire. Trois membres du personnel de la GCC ont continué de surveiller l'opération. Au cours de la journée, les entrepreneurs ont enlevé deux réservoirs de carburant et ont récupéré plus de 300 litres de carburant.

[11]           Le lendemain, le 16 janvier 2019, quatre membres du personnel de la GCC sont arrivés pour transférer 800 litres de carburant dans des barils. Ensuite, le 17 janvier 2019, trois membres du personnel sont arrivés par bateau pour superviser le dernier jour de l'opération de sauvetage, et un quatrième membre du personnel est arrivé à bord d'une camionnette Ford-350. Une fois l'opération terminée, la GCC a nettoyé les débris restants et a remorqué l'équipement.

LE DROIT APPLICABLE

[12]           Bien que la demande d'indemnisation ait été présentée en vertu de l'article 101 et de l'article 103 de la LRMM, aucun des critères relatifs à une demande d'indemnisation en vertu de l'article 101 n'est établi dans les documents fournis. De toute façon, en vertu de l'article 105, l'administrateur ne peut rendre une décision concernant la responsabilité en vertu de l'article 101 de la LRMM. Bien que des discussions en vue de parvenir à un règlement puissent avoir lieu relativement à une éventuelle demande d'indemnisation en vertu de l'article 101, aucune indemnisation ne peut être offerte en vertu de ce régime à moins qu'une action en justice ne soit intentée comme il est décrit à l'article 109 de la LRMM. Dans le cas présent, il ne semble pas qu'une telle action en justice ait été intentée. Par conséquent, pour le moment, la demande d'indemnisation n'est pas traitée comme si elle avait été présentée en vertu de l'article 101.

[13]           En vertu du paragraphe 103(1) de la LRMM, l'administrateur peut enquêter sur les demandes d'indemnisation qui lui sont présentées et les évaluer. La demande d'indemnisation de la GCC a été traitée comme si elle avait été présentée en vertu de l'article 103, et son admissibilité a été évaluée sur cette base.

[14]           Lorsque la demande d'indemnisation a été reçue, le délai de prescription prévu par la loi semblait avoir expiré.

[15]           En vertu du paragraphe 103(2) de la LRMM, les demandes d'indemnisation relatives à la pollution par les hydrocarbures doivent être présentées à l'administrateur dans un délai de deux ans suivant l'incident de pollution :

Limitation or prescription period

(2) The claim must be made

(a) within two years after the day on which the oil pollution damage occurs and five years after the occurrence that causes that damage; or

 

(b) if no oil pollution damage occurs, within five years after the occurrence in respect of which oil pollution damage is anticipated.

Multiple occurrences

(2.1) For the purposes of subsection (2), if an incident as a result of which oil pollution damage occurs or in respect of which oil pollution damage is anticipated consists of a series of occurrences, the period of five years referred to in that subsection begins on the day of the first occurrence in that series.

Prescription

(2) La demande en recouvrement de créance doit être faite :

a) s’il y a eu des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, dans les deux ans suivant la date où ces dommages se sont produits et dans les cinq ans suivant l’événement qui les a causés;

b) sinon, dans les cinq ans suivant l’événement à l’égard duquel des dommages ont été prévus.

Plusieurs faits liés au même événement

(2.1) Pour l’application du paragraphe (2), lorsque des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ou des dommages prévus résultent d’un événement constitué d’un ensemble de faits, le délai de cinq ans court à compter du premier de ces faits.

 

CONCLUSIONS : L'APPLICATION DES FAITS AU DROIT

Quel est le délai de prescription?

[16]           Le paragraphe 103(2) de la LRMM stipule qu'une demande d'indemnisation doit être faite dans un délai de deux ans suivant un incident de pollution par les hydrocarbures. Lorsque la pollution résulte d'un événement constitué d'un ensemble de faits, le délai court à compter du premier de ces faits.

[17]           Dans le cas présent, le premier fait s'est produit au plus tard le 20 décembre 2018. Selon les documents de la GCC, c'est le premier jour où la GCC est intervenue en réponse à l'incident et a constaté une « irisation d'hydrocarbures » dans l'eau.

[18]           Le délai de deux ans prévu par la loi a commencé à courir le 20 décembre 2018.

Détermination de la date de la demande d'indemnisation

[19]           La demande d'indemnisation était datée du 14 décembre 2020, et elle a présumément été mise à la poste à cette date ou vers celle-ci. La demande d'indemnisation n'a été reçue au nom de l'administrateur que le 23 décembre 2020. La GCC a confirmé que seule une copie papier de la demande d'indemnisation a été envoyée; aucune version électronique n'a été envoyée.

[20]           Il faut déterminer à quelle date la demande d'indemnisation a été « faite » en vertu du paragraphe 103(2) de la LRMM, c'est-à-dire si elle a été faite à la date de sa mise à la poste ou à la date à laquelle elle a été reçue.

[21]           La règle de l'acceptation par la poste, une doctrine du droit des contrats en common law, ne devrait pas s'appliquer au dépôt de demandes d'indemnisation auprès de l'administrateur. La Cour fédérale du Canada s'est penchée sur une question analogue dans l'affaire de Lukaj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 8. Aux paragraphes 16 à 26 de sa décision, le juge en chef Crampton a conclu que la règle de l'acceptation par la poste ne s'appliquait pas dans le contexte d'une demande de parrainage qui avait apparemment été envoyée, mais qui n'avait pas été reçue, avant la date limite pour le dépôt de la demande. La règle de l'acceptation par la poste a été jugée inapplicable, notamment au motif que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 est de nature légale (et non contractuelle). Par conséquent, la demande a été faite lorsqu'elle a été reçue, et non pas lorsqu'elle a été envoyée. Le même raisonnement devrait être appliqué à la LRMM et aux demandes d'indemnisation faites en vertu de l'article 103.

[22]           De plus, le non-respect d'un délai de prescription ne devrait pas être facilement excusé.

[23]           Les lois sur la prescription des actions doivent être interprétées strictement : Berardinelli c. Ontario Housing Corp.,[1979] 1 R.C.S. 275. Cela signifie qu'en principe, le délai de prescription de deux ans ne devrait pas être prolongé par l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.

[24]           La règle de l'arrêt Berardinelli peut être assouplie dans certains contextes. Comme la Cour suprême du Canada l'a dit dans Novak c. Bond, [1999] 1 R.C.S. 808, « La fixation arbitraire d'une date de prescription a été découragée au bénéfice d'un examen plus contextuel de la situation réelle des parties. Par exemple, il est établi qu'il est injuste que le délai de prescription commence à courir avant que le demandeur ait pu raisonnablement découvrir l'existence d'une cause d'action. » Cependant, dans le cas présent, le commentaire de la Cour suprême du Canada dans Novak c. Bond n'aide pas la GCC. La GCC a découvert l'existence de sa cause d'action au début de l'intervention environnementale, soit le 20 décembre 2018. Par conséquent, même après un examen contextuel de la situation, le délai de prescription devrait être appliqué.

[25]           D'autres organes décideurs, comme la Cour fédérale et la Cour d'appel de l'Ontario, ont statué qu'en ce qui concerne le dépôt d'une déclaration, ou d'autres documents judiciaires, les documents doivent être reçus avant la date de prescription : 928412 Ontario Limited c. Canada, 1997 CanLII 5103 (CF); Cheong v. Ontario (Minister of Finance), 2004 CanLII 17750 (ON CA). Cela est conforme à la jurisprudence citée au paragraphe [23], selon laquelle les lois sur la prescription des actions doivent être interprétées strictement pour encourager le règlement des différends en temps opportun.

[26]           Pour les motifs qui précèdent, il est conclu que la demande d'indemnisation n'a pas été faite dans le délai de prescription énoncé au paragraphe 103(2) de la LRMM, et ce délai ne peut être prolongé par l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, même si l'administrateur disposait d'un tel pouvoir.

[27]           La demande d'indemnisation est donc rejetée au motif qu'elle est inadmissible.

***

[28]           Vous disposez d'un délai de 60 jours, à compter de la réception de l'offre pour interjeter appel devant la Cour fédérale. Si vous souhaitez interjeter appel de l'offre, conformément aux règles 335(c), 337 et 338 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, vous pouvez le faire en déposant un avis d'appel établi selon la formule 337. Vous devez le signifier à l'administrateur, qui sera désigné à titre d'intimé dans l'appel. En vertu des règles 317 et 350 des Règles des Cours fédérales, vous pouvez demander une copie certifiée conforme des documents de l'office fédéral.

Je vous prie d'agréer mes meilleures salutations.

L'administrateur adjoint de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires,

 

Mark A.M. Gauthier, B.A., LL.B.

 

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