Lettres d'offres et de décisions

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LETTRE D’OFFRE

 

 

Ottawa, le 7 octobre 2022

Dossier de la CIDPHN : 120-921-C1-C

Dossier de la GCC :

PAR COURRIEL

Gestionnaire, Services et planification d’intervention

Garde côtière canadienne

200, rue Kent (5N167)

Ottawa (Ontario)  K1A 0E6

 

OBJET : Navire de pêche Pa Boy – Norris Point (Terre-Neuve-et-Labrador)

    Date de l'incident : 2020-06-24

 

SOMMAIRE ET OFFRE D'INDEMNITÉ

[1]               Cette lettre est en réponse à une demande d'indemnisation présentée par la Garde côtière canadienne (la « GCC ») concernant un navire de pêche immatriculé sous le nom de Pa Boy (le « navire »). Le navire a coulé au quai de Norris Point, à Terre-Neuve-et-Labrador, le 24 juin 2020 (l'« incident »).

[2]               Le 2 mai 2022, le bureau de l'administrateur de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (la « Caisse ») a reçu une demande d'indemnisation de la GCC au nom de l'administrateur. En vertu des articles 101 et 103 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la « LRMM »), la GCC a réclamé la somme de 5 867,59 $ pour les frais des mesures d'intervention qu'elle a prises en réponse à l'incident.

[3]               La demande d'indemnisation a été examinée et une décision a été prise concernant les frais réclamés. Par la présente, une offre d'indemnité est faite à la GCC conformément aux articles 105 et 106 de la LRMM.

[4]               La somme de 2 366,38 $ (l'« offre ») est offerte à la GCC en réponse à sa demande d'indemnisation, plus les intérêts prévus par la loi qui seront calculés à la date où la somme offerte sera versée, en conformité avec l'article 116 de la LRMM. Les motifs de l'offre sont exposés ci-après, en plus d'une description de la demande d'indemnisation.

DEMANDE D'INDEMNISATION REÇUE

[5]               La demande d'indemnisation comprend un exposé qui décrit les événements relatifs à l'incident. Elle comprend aussi un sommaire des frais réclamés par la GCC, ainsi que des documents justificatifs. Dans la mesure où l'exposé et les documents justificatifs se rapportent à l'offre, leur contenu est examiné ci-après.

Exposé et photos

[6]               D'après l'exposé, le 24 juin 2020 [sic] :

[traduction]

À 13 h 35, le personnel d'intervention environnementale de la Garde côtière canadienne (GCC) a été avisé que le navire de pêche « Pa' Boy », d'une longueur de 32 pieds, avait coulé au quai de Norris Point (T.-N.-L.). On a signalé que le navire avait 30 gallons de carburant à son bord. Le propriétaire avait une assurance à laquelle il a recouru immédiatement.

L'officier de service en intervention environnementale a communiqué avec le propriétaire du navire et lui a émis un avis verbal. Le propriétaire a déployé un barrage flottant et a pris des dispositions avec des plongeurs et un exploitant de machinerie lourde pour l'aider à renflouer son navire.

À 15 h 00, trois membres du personnel d'intervention environnementale ont été dépêchés à Norris Point à bord d'un véhicule tirant une remorque d'intervention pour surveiller […] l'intervention en réponse à cet incident et s'assurer qu'elle soit adéquate. Le personnel d'intervention environnementale a voyagé jusqu'à 22 h 30 et s'est arrêté pour la nuit à Deer Lake. […]

[7]               L'exposé se poursuit ainsi pour les 25 et 26 juin 2020 [sic] :

[traduction]

Le personnel d'intervention environnementale a quitté Deer Lake à 6 h 00 pour se rendre à Norris Point. Une fois arrivé sur les lieux, le personnel d'intervention environnementale a rencontré le propriétaire du navire et le représentant de l'assureur. Les plongeurs engagés par le propriétaire sont arrivés sur les lieux à 9 h 00. Les plongeurs ont débuté leurs travaux à 10 h 00; ils ont obturé les évents des réservoirs de carburant et ont commencé à fixer des sacs de levage au navire. Ils ont attaché les sacs de levage autour de la coque, ils les ont gonflés et les ont ajustés jusqu'à ce que le navire soit suffisamment à flot pour actionner les pompes. L'entrepreneur a utilisé une pompe de quatre pouces se trouvant dans la remorque d'intervention.

Les travaux de renflouement et de pompage de l'eau du navire ont été terminés à 15 h 00. Le navire a été remis à flot avec succès et le carburant a été enlevé. L'opération a pris fin et le personnel d'intervention environnementale s'est démobilisé. Le personnel d'intervention environnementale a quitté les lieux à 16 h 00 et il s'est arrêté pour la nuit à Humber Valley (T.-N.-L.) […].

Le personnel d'intervention environnementale a quitté Humber Valley à 8 h 00 [le 26 juin 2020] et il est arrivé à l'entrepôt d'intervention environnementale de St. John’s (T.-N.-L.) à 15 h 50.

Figures 1 et 2 – Photos de l'intervention en réponse à l'incident jointes à l'exposé de la GCC

 

 

Sommaire des frais

[8]               Les frais réclamés dans la demande d'indemnisation de la GCC sont résumés comme suit :

Table

Description automatically generated

Figure 3 – Copie d'écran du sommaire des frais

Documents internes de la GCC

[9]               Les frais internes de la GCC sont justifiés par divers registres internes et des reçus.

[10]           Les frais réclamés pour les salaires normaux comprennent une marge de 20 % appliquée aux taux de salaire de base, ce qui représente les avantages sociaux des employés. Les heures de travail supplémentaires ont été rémunérées au taux et demi du salaire de base de chaque employé (moins les avantages sociaux) :

Nom, groupe, niveau

Taux

Nombre d'heures réclamé selon la date (juin 2020)

Nombre total d'heures

Frais réclamés

Mercredi 24

Jeudi 25

Vendredi 26

AE

GT-05

Norm.:   48,96 $

1,0

7,5

7,5

16,0

783,36 $

1,5x:      61,20 $

6,5

4,0

10,5

642,60 $

PS

GT-04

Norm.:   39,55 $

1,0

7,5

7,5

16,0

632,80 $

1,5x:      49,44 $

6,5

4,0

10,5

519,12 $

JP

GT-04

Norm.:   38,37 $

1,0

7,5

7,5

16,0

613,92 $

1,5x:      47,96 $

6,5

4,0

10,5

503,53 $

Totaux

79,5

3 695,33 $

Tableau 1 – Frais réclamés pour les salaires et les heures de travail supplémentaires selon la date (les noms complets des membres du personnel de la GCC ont été remplacés par leurs initiales)

[11]           Les frais de déplacement de chaque membre du personnel d'intervention environnementale comprennent 263,35 $ pour les séjours à l'hôtel (une nuit à Deer Lake et une nuit à Humber Valley) et 237,50 $ pour les frais accessoires, calculés selon les taux du Conseil du Trésor en vigueur au moment de l'incident.

[12]           La GCC a réclamé les frais d'usage d'un véhicule d'intervention pendant trois jours, au tarif quotidien de 67,56 $, ainsi que des frais de carburant s'élevant à 348,59 $.

 

CORRESPONDANCE AVEC LE DEMANDEUR

[13]           Le 20 juillet 2022, la Caisse a demandé les éclaircissements suivants à la GCC :

[traduction]

[On] ne sait pas […] pourquoi la GCC a décidé de se rendre sur les lieux de l'incident au lieu de faire une surveillance à distance. Avant que la GCC ne quitte St. John's pour se rendre à Norris Point, les documents qu'elle a fournis montrent que :

1.      Le propriétaire du navire avait une assurance et il a déployé des ressources non seulement pour atténuer la menace de pollution, mais aussi pour enlever le navire.

2.      La GCC ne semblait avoir aucune crainte à propos de la fiabilité du propriétaire ou du caractère approprié du plan d'intervention.

3.      La GCC savait quel type (surtout de l'essence) et quelle quantité d'hydrocarbures il y avait à bord du navire et quelles étaient les conséquences environnementales possibles.

De plus, la GCC avait accès à d'autres ressources fédérales sur la côte ouest de Terre-Neuve, y compris, mais non seulement, un bureau du MPO situé non loin de Norris Point.

Avant de déployer des ressources de St. John's, la GCC a-t-elle songé à faire une surveillance à distance et peut-être de recourir à une entité locale pour faire une vérification sur place?

Nous serions reconnaissants d'obtenir une explication des facteurs qui ont motivé la décision de la GCC d'envoyer trois membres de son personnel d'intervention environnementale et de l'équipement sur les lieux, ainsi que toutes notes prises sur le terrain ou tout registre à l'appui.

[14]           Une réponse a été reçue de la GCC le 3 août 2022. Dans sa réponse, la GCC a dit que : (1) il n'y avait aucun membre du personnel de la GCC dans la région de Norris Point au moment où l'incident est survenu; (2) le Pa Boy a coulé avec des polluants à son bord; (3) les organismes autres que la GCC ne sont généralement pas qualifiés pour remplir la fonction de surveillance exercée par le ministre des Pêches et des Océans en vertu de l'alinéa 180(1)b) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, L.C. 2001, ch. 26 (la « LMMC »). La réponse de la GCC s'est poursuivie ainsi :

[traduction]

Bien que la GCC ait parlé au propriétaire et que ce dernier ait dit qu'il allait prendre des mesures, mêmes les meilleures intentions, d'après l'expérience de la GCC, se traduisent rarement par des mesures appropriées (même lorsque le propriétaire a une assurance, comme c'était le cas ici); il est souvent arrivé que l'équipe d'intervention environnementale se rende sur les lieux du naufrage d'un navire et prenne des mesures pour le renflouer avant même que le représentant en assurance ne se présente, et les assureurs maritimes exigent généralement que le propriétaire procède à l'intervention et en assume les frais avant de faire une réclamation à l'assureur. De plus, de nombreux propriétaires qui se montrent coopératifs au départ vont dire, à un certain moment durant l'intervention, qu'ils ne veulent plus ou ne peuvent plus intervenir, ce qui retarde considérablement l'intervention en réponse à l'incident si le personnel d'intervention environnementale n'est pas déjà sur les lieux.

Il convient de noter qu'il arrive couramment que le personnel d'intervention environnementale fasse appel à des ressources locales pour faire une vérification sur place. Cette information aide à déterminer si notre présence sur place est nécessaire en réponse aux incidents qui peuvent durer plusieurs jours. En conformité avec le mandat du personnel d'intervention environnementale, il était essentiel que la GCC soit présente sur place durant cet incident.

[15]           La GCC a aussi fourni des copies de trois pages de notes manuscrites datées des 24 et 25 juin 2020 qui ont été prises par l'officier de service en intervention environnementale de St. John's. Ces notes indiquent que les 30 gallons de carburant diesel qui se trouvaient à bord du Pa Boy constituaient une menace de pollution par les hydrocarbures.

[16]           Fait important, les notes indiquent qu'à 13 h 54 le 24 juin 2020 (c.-à-d. avant que l'équipe d'intervention environnementale ne quitte St. John's), l'officier de service a demandé que le NGCC Cape Fox se rende sur les lieux de l'incident pour évaluer la situation. Le Cape Fox est un bateau de sauvetage motorisé qui fait partie du programme de recherche et de sauvetage de la GCC. Il est arrivé à Norris Point vers 17 h 25 et a fourni un compte rendu accompagné de photos. Par conséquent, la GCC savait que le Pa Boy était entouré d'un barrage flottant et qu'aucune pollution n'était visible.

[17]           Il semble que la GCC ait négligé de mentionner le rôle du Cape Fox aussi bien dans sa demande d'indemnisation que dans sa réponse aux questions de la Caisse. Il n'y a aucune mention du Cape Fox ou de son rôle dans l'intervention, sauf dans les notes manuscrites de l'officier de service en intervention environnementale.

[18]           Enfin, les notes de l'officier de service indiquent qu'un plan d'intervention écrit a été demandé au propriétaire du Pa Boy vers 13 h 35 le 24 juin 2020. D'après les notes, le propriétaire a fait des comptes rendus verbaux par téléphone pendant le reste de la journée et, à un certain moment avant 22 h 10 ce soir-là, l'officier de service a reçu un plan officiel qu'il a transmis à l'équipe d'intervention environnementale, qui était en route à ce moment-là.

 

CONSTATATIONS ET CONCLUSIONS

Identification et description du Pa Boy

[19]           Une recherche a été faite dans le Système de recherche d'informations sur l'immatriculation des bâtiments de Transports Canada afin d'identifier correctement le navire, qui est désigné par différents nom dans les documents de la GCC. Cette recherche a permis de trouver un navire immatriculé sous le nom de Pa Boy. Le nom du propriétaire inscrit de ce navire correspond à celui fourni par la GCC, l'adresse du propriétaire inscrit est à Norris Point, et la description du navire contenue dans le registre d'immatriculation correspond à peu près à celle fournie par la GCC.

[20]           Le Pa Boy porte le numéro matricule 809323. Il est décrit comme étant un navire de pêche construit en plastique renforcé et ayant une longueur de 8,47 mètres et une jauge brute de 10,42. Il a été construit en 1987. D'après le registre d'immatriculation, le navire est propulsé par une seule machine à essence de 165 chevaux-vapeur au frein.

La demande d'indemnisation de la GCC pourrait être admissible

[21]           L'incident a causé des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans la mer territoriale ou les eaux intérieures du Canada, et il a occasionné des frais pour la prise de mesures visant à répondre aux dommages dus à la pollution par les hydrocarbures et à prévenir d'autres dommages. La demande d'indemnisation relative à l'incident pourrait donc être admissible.

[22]           La GCC est un demandeur admissible pour l'application de l'art. 103 de la LRMM.

[23]           La demande d'indemnisation a été reçue dans le délai de prescription énoncé au paragraphe 103(2) de la LRMM.

[24]           Certains frais réclamés semblent avoir été engagés pour la prise de mesures raisonnables visant à « prévenir, contrer, réparer ou réduire au minimum » les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par un navire, comme le prévoit la partie 6, section 2 de la LRMM. Par ailleurs, ces frais pourraient avoir été engagés pour la prise de « mesures de sauvegarde », comme le prévoit la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute. Dans l'un ou l'autre cas, certains frais réclamés pourraient être indemnisables.

[25]           Par conséquent, la demande d'indemnisation pourrait être admissible en vertu de l'art. 103 de la LRMM.

[26]           Il est nécessaire d'évaluer si les mesures prises étaient raisonnables.

Conclusions concernant la preuve présentée par la GCC

Les faits de l'incident présentés par la GCC sont généralement acceptés

[27]           La GCC a joint à sa demande d'indemnisation un exposé et des documents justificatifs qui relatent les faits de l'incident et de l'intervention de façon assez détaillée. Les descriptions des événements importants contenues dans les documents de la demande d'indemnisation de la GCC, y compris l'information supplémentaire qu'elle a fournie le 3 août 2022, sont acceptées comme étant généralement exactes. Cependant, il y a une divergence importante qui est examinée ci-après.

La menace de pollution par les hydrocarbures que posait le navire était minime

[28]           D'après l'exposé, on a signalé que, lorsqu'il a coulé, le Pa Boy avait à son bord environ 30 gallons d'hydrocarbures d'un type non spécifié. Les notes de l'officier de service en intervention environnementale indiquent qu'il s'agissait de carburant diesel. Par contre, l'information sur le navire contenue dans le registre d'immatriculation de Transports Canada semble indiquer que le carburant en question aurait été de l'essence. La différence n'est pas importante pour la présente décision. Ces deux types d'hydrocarbures sont non persistants, volatils et en grande partie irrécupérables une fois rejetés dans l'environnement marin. Le navire aurait aussi eu à son bord des hydrocarbures plus lourds pour ses machines, mais les quantités de ces substances auraient été limitées.

[29]           De toute façon, le propriétaire du Pa Boy avait déjà pris des mesures de sauvetage et d'intervention en réponse à la pollution lorsque la GCC a pris connaissance de l'incident à 13 h 35 le 24 juin 2020. Un barrage flottant avait déjà été déployé. Bien que les documents de la demande d'indemnisation de la GCC ne fassent aucune mention du déploiement du Cape Fox, il est conclu que l'équipage de ce navire a confirmé de manière indépendante l'information fournie par le propriétaire du Pa Boy vers 17 h 25, soit bien moins de trois heures après que l'équipe d'intervention environnementale ait quitté St. John's. La GCC savait que les mesures prises par le propriétaire étaient garanties par un assureur, ce qui aurait dû renforcer sa confiance que la situation, qui présentait généralement un faible risque, était gérée avec compétence. Un plan écrit a été reçu du propriétaire, comme demandé, dans la soirée du 24 juin. Rien n'indique que la GCC ait jugé que le plan d'intervention du propriétaire ou l'exécution de ce plan était inadéquat.

[30]           De plus, rien n'indique que la GCC ait tenu compte du Cape Fox dans sa décision de déployer son personnel. En fait, la question de savoir si la GCC a songé à recourir à d'autres ressources, comme le Cape Fox, est précisément la raison pour laquelle la Caisse lui a demandé des éclaircissements. La GCC a dit ne pas avoir songé à recourir à d'autres ressources et que de telles ressources n'étaient pas disponibles – négligeant apparemment le fait que le Cape Fox a été déployé et qu'il a fourni de l'information qui aurait dû amener la GCC à réexaminer son intervention.

[31]           Il est conclu, selon la preuve et tous les facteurs énoncés ci-haut, que la menace de pollution par les hydrocarbures posée par le Pa Boy était minime, et que la GCC le savait, ou aurait dû le savoir, avant de dépêcher son personnel d'intervention environnementale à Norris Point.

Le déploiement de ressources de recherche et sauvetage était raisonnable, mais le déploiement de ressources d'intervention environnementale ne l'était pas

[32]           Bien que la LMMC confère à la GCC de vastes pouvoirs discrétionnaires pour surveiller les mesures d'intervention prises par les pollueurs, les frais qu'elle engage à cette fin doivent être évalués pour s'assurer qu'ils sont raisonnables dans le contexte d'une demande d'indemnisation faite en vertu de la partie 7 de la LRMM. Le concept de la proportionnalité est un aspect fondamental de la raisonnabilité. Essentiellement, la preuve doit montrer que les efforts déployés et les frais associés à ceux-ci doivent correspondre à une menace perçue de pollution. Dans le cas présent, la décision de la GCC de déployer son personnel d'intervention environnementale sur les lieux pour mener une opération de surveillance coûteuse et lointaine n'est pas jugée proportionnelle à la menace de pollution par les hydrocarbures démontrée par la preuve, surtout à la lumière de ce qui était connu ou aurait dû être connu au moment du déploiement.

[33]           Il faut au moins huit heures, en tenant compte des haltes, pour voyager par la route de St. John's, où l'équipe d'intervention environnementale de la GCC était basée, jusqu'à Norris Point. Par conséquent, le personnel déployé sur les lieux de l'incident aurait été absent de sa base pendant au moins trois jours, ce qui aurait inévitablement occasionné un grand nombre d'heures de travail supplémentaires. Étant donné qu'elle a quitté sa base à 15 h 00 le 24 juin 2020, l'équipe d'intervention environnementale n'a pas pu arriver à Norris Point avant le lendemain matin, ce qui a causé un retard considérable, puisque le plan d'intervention du propriétaire était déjà en place et prêt à être exécuté, et que l'équipage du Cape Fox avait confirmé l'information fournie par le propriétaire du navire.

[34]           Afin de remplir efficacement son mandat de surveillance dans des lieux éloignés, la GCC a accès à un vaste éventail de ressources fédérales, y compris des ressources de recherche et sauvetage. Dans le cas présent, la preuve montre clairement que le Cape Fox a été déployé sur les lieux de l'incident avant l'équipe d'intervention environnementale. Lorsque le rapport du Cape Fox a été reçu, l'équipe d'intervention environnementale était beaucoup plus proche de St. John's que de Norris Point.

[35]           En définitive, il est déterminé que le déploiement du Cape Fox pour faire une surveillance préliminaire était raisonnable. Étant donné que ce navire était en route pour Norris Point, et à la lumière des autres faits connus de la GCC à ce moment-là, il n'était pas raisonnable de déployer une équipe d'intervention environnementale de St. John's avant de recevoir le rapport du Cape Fox. Le rapport de l'équipage du Cape Fox, qui a été reçu un peu avant 17 h 25 dans la soirée du 24 juin 2020, aurait dû apaiser considérablement les craintes de la GCC : l'information fournie par le propriétaire du navire était fiable et les mesures d'intervention qu'il était en voie de prendre étaient adéquates.

[36]           Par conséquent, la décision de la GCC de déployer trois membres de son personnel de St. John's à Norris Point n'est pas jugée raisonnable. Les frais associés que la GCC a réclamés pour les déplacements, les salaires et l'usage de véhicules sont donc rejetés. À la place, sept heures normales de travail au taux de rémunération GT-05 sont acceptées, ce qui représente le temps de travail jugé raisonnable dans un contexte de surveillance à distance. Certain montants additionnels sont aussi acceptés, lesquels représentent les frais estimatifs engagés pour le déploiement du Cape Fox et de son équipage. Tous ces montants sont expliqués en détail ci-après.

 

DÉTAILS DE LA DEMANDE D'INDEMNISATION ET DE L'OFFRE

[37]           Les frais réclamés par la GCC sont répartis en cinq annexes, dont chacune est examinée ci-après. Dans la mesure où les motifs ne sont pas déjà exposés ailleurs dans cette lettre, les sections suivantes expliquent pourquoi certaines portions de la demande d'indemnisation de la GCC ont été jugées recevables et d'autres ont été rejetées.

Annexe 3 – Déplacements                                                  Montant réclamé : 1 502,55 $

[38]           Pour les motifs exposés ci-haut, les frais de déplacement réclamés par la GCC ne sont pas acceptés.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux déplacements est rejetée.

Annexe 4 – Salaires ­– Personnel à temps plein                     Montant réclamé : 2 030,08 $

[39]           Comme il est noté ci-haut, une portion des frais réclamés pour les salaires normaux du personnel d'intervention environnementale est acceptée au motif qu'une surveillance à distance de l'intervention en réponse à l'incident aurait représenté un déploiement raisonnable de ressources. Il est déterminé qu'un seul membre du personnel d'intervention environnementale de niveau GT-05 aurait suffi; par conséquent, le taux de salaire horaire réclamé de 48,96 $ (voir le tableau 1), qui comprend les frais des avantages sociaux des employés, a été utilisé pour calculer les frais acceptés.

[40]           Pour ce qui est du 24 juin 2020, il est considéré que deux heures auraient représenté un temps de travail raisonnable. Cela aurait permis au personnel d'intervention environnementale de la GCC de recevoir et de traiter le rapport de pollution initial, d'évaluer la situation, de déployer le Cape Fox, et de recevoir le rapport de son équipage.

[41]           Quant au 25 juin 2020, le jour où le propriétaire a mené l'opération de sauvetage de son navire, quatre heures de travail sont acceptées. Ce temps de travail aurait permis à la GCC de suivre le déroulement de l'opération du propriétaire, de demander des comptes rendus par téléphone selon le besoin, et de vérifier que l'opération avait été achevée. Une seule heure de travail est acceptée pour le 26 juin, ce qui aurait permis à la GCC de confirmer qu'il ne restait aucun problème à régler et de terminer les tâches administratives.

[42]           Un montant total de 342,72 $ est accepté pour les salaires normaux du personnel d'intervention environnementale.

[43]           Étant donné que le Cape Fox est basé à Lark Harbour, à environ 42 milles marins de Norris Point, il est déterminé qu'il lui aurait fallu environ deux heures pour faire un aller simple. Le voyage aller-retour, plus une heure passée sur les lieux de l'incident, aurait représenté environ cinq heures. En supposant que le Cape Fox avait un équipage composé de quatre personnes, dont chacune était rémunérée à un taux horaire moyen de 40,00 $, y compris la marge normale de 20 % pour les avantages sociaux, il est déterminé que les frais de salaire associés à l'usage du Cape Fox s'élèvent à environ 800,00 $. Par conséquent, ce montant est accepté, en plus du montant noté ci-haut.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux salaires est recevable au montant de 1 142,72 $.

Annexe 5 – Heures de travail supplémentaires – PTP          Montant réclamé : 1 665,25 $

[44]           Étant donné que la plus grande partie de l'intervention en réponse à l'incident a eu lieu durant les heures de normales de travail pendant la semaine, il est déterminé que l'opération de surveillance à distance n'aurait nécessité aucune heure de travail supplémentaire. Par conséquent, les frais réclamés pour les heures de travail supplémentaires ne sont pas acceptés.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux heures de travail supplémentaires est rejetée.

Annexe 11 – Équipement de lutte contre la pollution                  Montant réclamé : 0,00 $

[45]           La GCC n'a réclamé aucuns frais pour l'équipement de lutte contre la pollution. Cependant, il a été déterminé que des frais indemnisables ont été engagés pour le déploiement du Cape Fox. Bien que les frais d'exploitation de ce navire soient beaucoup plus élevés que ceux d'un bateau de lutte contre la pollution de classe II (« PRV II »), il est noté que le Cape Fox a été utilisé pendant quelques heures seulement. Par conséquent, en l'absence de tarifs horaires publiés sur l'usage de bateaux de recherche et sauvetage, le tarif d'usage d'un PRV II pendant une journée complète, soit 1 194,23 $, est accepté.

La portion de la demande d'indemnisation relative à l'équipement de lutte contre la pollution est recevable au montant de 1 194,23 $.

Annexe 12 – Véhicules                                                              Montant réclamé : 551,27 $

[46]           Pour les motifs exposés ci-haut, les frais réclamés par la GCC pour l'usage de véhicules ne sont pas acceptés.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux véhicules est rejetée.

Annexe 13 – Administration                                                 Montant réclamé : 118,44 $

[47]           Il semble que cette portion de la demande d'indemnisation de la GCC représente 3,09 % des frais réclamés pour les déplacements et les salaires normaux. En général, cette méthode de calcul des frais d'administration est acceptée comme étant raisonnable. Cependant, les calculs de la GCC dans ce cas-ci sont inhabituels et difficiles à comprendre. Normalement, les frais de salaire auxquels s'applique le taux des frais d'administration ne comprennent pas les frais du régime d'avantages sociaux des employés (une marge de 20 % dans ce cas-ci). Dans le cas présent, il semble que la GCC ait réclamé des frais d'administration basés sur les salaires normaux et qu'elle ait ajouté une marge beaucoup plus élevée que 20 % pour les avantages sociaux. Cette méthode de calcul n'est pas acceptée, et des réductions doivent donc être apportées aux frais réclamés.

[48]           D'autres ajustements doivent être faits à cette annexe, étant donné que les frais de déplacement réclamés n'ont pas été acceptés, que des réductions ont été apportées aux montants réclamés pour les frais des salaires normaux du personnel d'intervention environnementale, et que des frais additionnels ont été acceptés pour les salaires du personnel de recherche et sauvetage.

La portion de la demande d'indemnisation relative aux frais d'administration est recevable au montant de 29,43 $.

 

SOMMAIRE DE L'OFFRE ET CONCLUSION

[49]           Le tableau suivant montre un sommaire des frais réclamés et des frais recevables :

Annexe

Montant réclamé

Montant recevable

3 – Déplacements

1 502,55 $

0,00 $

4 – Salaires – Personnel à temps plein

2 030,08 $

1 142,72 $

5 – Heures de travail supplémentaires

1 665,25 $

0,00 $

11 – Équipement de lutte contre la pollution

0,00 $

1 194,23 $

12 – Véhicules

551,27 $

0,00 $

13 – Administration

118,44 $

29,43 $

Totaux

5 867,59 $

2 366,38 $

Tableau 2 – Sommaire des montants réclamés et des montants recevables

[50]           Le montant des frais recevables s'élève à 2 366,38 $. Si l'offre est acceptée, ce montant sera payé en plus des intérêts prévus par la loi qui seront calculés à la date du paiment.

***

[51]           Dans votre examen de l'offre, veuillez prendre note des choix et des délais suivants énoncés à l'article 106 de la LRMM.

 

[52]           Vous disposez d'un délai de 60 jours, à compter de la réception de l'offre, pour aviser le soussigné si vous l'acceptez. Vous pouvez nous informer de votre acceptation de l'offre par tout moyen de communication, au plus tard à 16 h 30 (heure de l'Est) le dernier jour du délai. Si vous acceptez l'offre, la somme offerte vous sera versée sans tarder.

 

[53]           Autrement, vous pouvez, dans les 60 jours suivant la réception de l'offre, interjeter appel devant la Cour fédérale. Si vous souhaitez interjeter appel de l'offre, conformément aux règles 335(c), 337 et 338 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, vous pouvez le faire en déposant un avis d'appel établi selon la formule 337. Vous devez le signifier à l'administrateur, qui sera désigné à titre d'intimé dans l'appel. En vertu des règles 317 et 350 des Règles des Cours fédérales, vous pouvez demander une copie certifiée conforme des documents de l'office fédéral.

 

[54]           La LRMM prévoit que si nous ne sommes pas avisés de votre choix dans le délai de 60 jours, vous serez présumé avoir refusé l'offre. Aucune autre offre ne sera faite.

 

[55]           Enfin, lorsque le demandeur accepte l'offre d'indemnité, l’administrateur devient subrogé dans les droits du demandeur relativement à l'objet de la demande d'indemnisation. Le demandeur doit alors cesser tous ses efforts de recouvrement, et il doit coopérer avec la Caisse dans ses efforts pour recouvrer par subrogation la somme qu'elle a versée.

Je vous prie d'agréer mes meilleures salutations.

L'administrateur adjoint de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires,

 

Mark A.M. Gauthier, B.A., LL.B.

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