Lettres d'offres et de décisions

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LETTRE D’OFFRE

 

Ottawa, le 12 octobre 2022

Dossier de la CIDPHN : 120-907-C1

Dossier de la GCC :

PAR COURRIEL

Directeur principal intérimaire, Gestion des incidents

Garde côtière canadienne

200, rue Kent

Ottawa (Ontario)  K1A 0E6

 

OBJET : Déversement d'origine inconnue – Postville (Terre-Neuve-et-Labrador) –  Date de l'incident : 8 juin 2020

 

SOMMAIRE ET OFFRE D'INDEMNITÉ

[1]               Cette lettre est en réponse à une demande d'indemnisation présentée par la Garde côtière canadienne (la « GCC ») relativement à ce qui est décrit dans la demande d'indemnisation comme étant un déversement d'origine inconnue, c'est-à-dire un déversement dont la source n'a pu être déterminée. Le déversement s'est manifesté par une irisation d'hydrocarbures qui s'est répandue dans les eaux autour de Postville, à Terre-Neuve-et-Labrador, le 8 juin 2020 (l'« incident »).

[2]               Le 1er décembre 2021, le bureau de l'administrateur de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (la « Caisse ») a reçu une demande d'indemnisation de la GCC. En vertu des articles 101 et 103 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la « LRMM »), la GCC a réclamé la somme de 32 650,70 $ pour les frais des mesures d'intervention qu'elle a prises en réponse à l'incident.

[3]               La demande d'indemnisation a été examinée et une décision a été prise concernant les frais réclamés. Par la présente, une offre d'indemnité est faite à la GCC conformément aux articles 105 et 106 de la LRMM.

[4]               La somme de 28 484,86 $ (l'« offre ») est offerte à la GCC en réponse à sa demande d'indemnisation, plus les intérêts prévus par la loi qui seront calculés à la date où la somme offerte sera versée, en conformité avec l'article 116 de la LRMM. Les motifs de l'offre sont exposés ci-après, en plus d'une description de la demande d'indemnisation.

DEMANDE D'INDEMNISATION REÇUE

[5]               La demande d'indemnisation de la GCC comprend un exposé qui décrit l'incident et les mesures d'intervention que la GCC a prises en réponse à celui-ci, ainsi que des registres, des photos et d'autres documents.

L'exposé fourni par la GCC

[6]               Le 7 juin 2020, le personnel d'intervention environnementale de la GCC a été avisé de la présence d'une légère irisation d'hydrocarbures (dont la quantité a été estimée à 0,2 litre) dans les eaux autour de Postville, à Terre-Neuve-et-Labrador. Ce jour-là, le chimiquier Tuvaq W se trouvait dans le secteur pour effectuer un transfert de carburant navire-terre. Les premières photos fournies à la GCC montraient que l'irisation d'hydrocarbures ne provenait du Tuvaq W ni des conduites de transfert de carburant. Le NGCC George R. Pearkes avait escorté le Tuvaq W en raison des conditions de glace, et il se trouvait aussi dans les environs le 7 juin.

[7]               Après la fin de l'opération de transfert de carburant à 16 h 00, le Tuvaq W et le George R. Pearkes ont quitté Postville ensemble à 18 h 00 le 7 juin 2020.

Figure 1 – Photo du lieu de l'incident à Postville, tirée de l'exposé de la GCC

 

[8]               Le 8 juin 2020, le personnel d'intervention environnementale de la GCC a encore une fois été avisé de la présence d'une irisation d'hydrocarbures dans le secteur. Cette fois-ci, l'irisation était considérable; elle s'étendait sur une distance d'environ 3,5 milles marins et elle avait un volume de 2 870 litres. Elle était aussi accompagnée d'une forte odeur. Le personnel d'intervention environnementale a demandé un survol de l'endroit ainsi que des observations de suivi. Les sources terrestres possibles du rejet d'hydrocarbures ont été vérifiées, mais rien n'a été découvert.

[9]               Des dispositions ont été prises pour envoyer une équipe de trois membres du personnel d'intervention environnementale de la GCC sur les lieux, ainsi qu'un agent de ressources. Avant leur départ, des dispositions ont été prises pour envoyer du matériel absorbant à Postville. De plus, le George R. Pearkes a été chargé de retourner sur les lieux pour aider aux opérations d'intervention.

[10]           Le 9 juin 2020, un survol de l'endroit a été fait. Il a été estimé que l'irisation d'hydrocarbures couvrait une superficie de 6,2 milles marins en longueur et de 1,2 milles marin en largeur, ce qui représentait un volume estimatif de 980 litres.

[11]           Le 10 juin 2020, un autre survol a été fait. L'irisation d'hydrocarbures a été estimée à 8,3 milles marins en longueur, ce qui représentait un volume estimatif de 955 litres. On a constaté que l'irisation était adjacente à l'anse où le transfert de carburant avait eu lieu le 7 juin, et qu'elle semblait provenir de la glace qui était concentrée le long du rivage. Plus tard le même jour, on a estimé que le volume de l'irisation d'hydrocarbures avait diminué et qu'il n'était plus que de 330 litres.

[12]           Ce soir-là, le personnel d'intervention environnementale de la GCC est arrivé sur les lieux. Le George R. Pearkes est aussi revenu à Postville.

[13]           Le 11 juin 2020, le personnel d'intervention environnementale de la GCC a fait des inspections le long du rivage et sur l'eau, et il a déployé des barrages flottants aux endroits stratégiques. Le George R. Pearkes a apporté un soutien, notamment en aidant à déployer les barrages flottants.

[14]           Des dispositions ont été prises pour obtenir du matériel préventif, y compris des trousses de nettoyage d'oiseaux et de prélèvement d'échantillons d'hydrocarbures, au cas où cela serait nécessaire à l'intervention. Ce matériel a dû être transporté par hélicoptère en raison de l'éloignement du lieu de l'incident.

[15]           Lors d'un survol effectué le matin du 11 juin 2020, le volume de l'irisation d'hydrocarbures sur l'eau a été estimé à 354 litres. Un autre survol a été fait dans l'après-midi, lors duquel le volume de l'irisation d'hydrocarbures a été estimé à 109 litres.

[16]           Le 12 juin 2020, un survol qui devait être fait par un aéronef à voilure fixe a dû être annulé à cause du mauvais temps. À la place, la GCC a déployé l'hélicoptère qui était resté sur les lieux. Aucune irisation d'hydrocarbures n'a été observée.

[17]           Le 13 juin 2020, lors d'un autre survol fait par hélicoptère, une irisation d'hydrocarbures ayant une superficie de 20 pieds en longueur et de 10 pieds en largeur a été observée. Un autre survol a été effectué par la suite, mais aucune pollution n'a été observée. Le personnel d'intervention environnementale a poursuivi ses inspections le long du rivage et ses travaux de nettoyage.

[18]           Le 14 juin 2020, le personnel de la GCC a terminé ses inspections le long du rivage et n'a décelé aucune pollution. Des plans de démobilisation ont été préparés, en attendant les résultats d'un survol effectué le 15 juin 2020.

[19]           Le 15 juin 2020, un survol a été fait et aucune pollution par les hydrocarbures n'a été observée. Le George R. Pearkes a quitté les lieux et le personnel d'intervention environnementale est retourné à Goose Bay par hélicoptère.

Survols et autres observations

[20]           Durant son intervention, la GCC a fait un grand usage du George R. Pearkes et a effectué de nombreux survols pour surveiller la situation. Les observations qui ont été recueillies sont résumées dans le tableau ci-dessous :

Date (2020)

Mesures prises

Résultats/observations

7 juin – Jour 1

Survol de surveillance aérienne. Des vidéos ont été faites et des photos ont été prises.

Pollution observée : 46 m de long et 10 m de large, volume estimé à 0,023 L. Des photos montrent que l'irisation avait une longueur bien supérieure à 46 m.

8 juin – Jour 2

Survol de surveillance aérienne.

Pollution observée et volume estimé à 2 870 L. Irisation de 3,5 NM de long et 1 NM de large, couverture de 60 %. Des photos montrent des plaques d'hydrocarbures couvrant une grande partie du secteur.

9 juin – Jour 3

Survol de surveillance aérienne.

Pollution observée et volume estimé à 980 L. Irisation de 6,2 NM de long et 1,2 NM de large, couverture de 40 %. Des photos montrent des plaques d'hydrocarbures couvrant une grande partie du secteur.

10 juin – Jour 4

Survol de surveillance aérienne. Survol par hélicoptère. Le George R. Pearkes a déployé un barrage flottant de 180 pieds.

Pollution observée et volume estimé à 954 L. Irisation de 8,3 NM de long et 1,2 NM de large, couverture de 40 %. Des photos montrent moins de plaques d'hydrocarbures dans le secteur. De petites plaques d'hydrocarbures ont été observées le long de la rive sud de la baie.

11 juin – Jour 5

Survol de surveillance aérienne. Inspection le long des rives nord et sud. Deux survols par hélicoptère. Le George R. Pearkes a récupéré son barrage flottant.

Pollution observée et volume estimé à 354 L durant un survol fait le matin. Irisation de 6,7 NM de long et 1,7 NM de large, couverture de 10 %. Un survol fait en après-midi a estimé un volume de 108 L s'étendant sur 1 000 m le long de la rive. Des photos montrent que l'irisation a diminué. De petites quantités d'hydrocarbures irrécupérables ont été observées le long de la rive nord. Des hydrocarbures irrécupérables ont été observés à différents endroits le long de la rive sud.

12 juin – Jour 6

Inspection le long de la rive nord. Survol par hélicoptère. Échantillons de sol prélevés le long de la rive nord. Réunion entre le personnel d'intervention environnementale, le maire de Postville et un représentant du gouvernement Nunatsiavut.

Aucune pollution observée le long de la rive nord. Aucune pollution observée lors du survol. La GCC a informé les participants à la réunion que les matelas absorbants ne peuvent récupérer l'irisation d'hydrocarbures.

13 juin – Jour 7

Inspections le long des rives nord et sud de la baie. Deux survols par hélicoptère.

Aucune pollution observée le long des rives nord et sud de la baie. Une petite irisation (10 pi par 20 pi) a été observée lors du survol de la baie à l'est de la communauté. Aucune pollution observée lors du second survol par hélicoptère.

14 juin – Jour 8

Inspection le long de la rive nord. Survol de la baie.

Aucune pollution observée le long de la rive nord. Aucune pollution observée lors du survol de la baie. Le George R. Pearkes est démobilisé.

15 juin – Jour 9

Survol effectué.

Aucune pollution observée. Les opérations d'intervention prennent fin. Les quatre membres du personnel d'intervention environnementale quittent Postville.

Tableau 1 – Sommaire des observations et des mesures prises en réponse à l'incident

Sommaire des frais

[21]           La demande d'indemnisation de la GCC comprend le sommaire suivant des frais réclamés :

Figure 2 – Copie d'écran du sommaire des frais réclamés par catégorie, fourni par la GCC

[22]           Bien que la GCC ait fait un grand usage d'aéronefs à voilure fixe et d'hélicoptères pour l'aider dans son intervention, elle n'a pas réclamé les frais associés. Il est probable que ces frais – s'ils avaient été documentés et réclamés par la GCC – augmenteraient considérablement le montant de la demande d'indemnisation.

[23]           De même, la GCC n'a réclamé aucuns frais pour l'usage du NGCC Pearkes. Il ne serait probablement pas possible de recouvrer le montant complet des frais d'utilisation d'un navire de cette taille dans une demande d'indemnisation comme celle-ci, mais il semble plausible qu'une partie de ces frais auraient pu être recouvrés s'ils avaient été documentés.

 

CONCLUSION CONCERNANT LA SOURCE DU REJET

[24]           Les documents de la demande d'indemnisation de la GCC décrivent l'incident comme un déversement d'origine inconnue. S'il est déterminé que le rejet n'a pas été causé par un navire, la demande d'indemnisation doit être rejetée en vertu du paragraphe 105(4) de la LRMM.

[25]           Deux navires se trouvaient dans les environs de Postville entre le 6 juin et le 8 juin 2020 : le NGCC George R. Pearkes et le chimiquier Tuvaq W. L'un ou l'autre ce ces navires, ou les deux, auraient pu plausiblement être la source de la pollution par les hydrocarbures.

[26]           Par ailleurs, il existe à Postville un certain nombre d'installations situées proches du rivage qui auraient pu être à l'origine de la pollution par les hydrocarbures.

[27]           Une enquête a été menée. Des assignations ont été délivrées à Transports Canada, au ministère de l'Environnement de Terre-Neuve, ainsi qu'à la société propriétaire du Tuvaq W, Coastal Shipping Limited, une filiale du Woodward Group of Companies (« Woodward »). Ces assignations ont permis d'obtenir de l'information importante, en particulier des rapports sur un certain nombre d'échantillons d'hydrocarbures prélevés sur les lieux de l'incident.

[28]           D'abord et avant tout, les rapports environnementaux ont conclu que l'irisation était formée d'hydrocarbures relativement légers, allant du kérosène au diesel. En conséquence, les huiles lubrifiantes des navires ont pu être éliminées comme étant la source possible de l'irisation d'hydrocarbures.

[29]           Le George R. Pearkes peut aussi être éliminé comme étant à l'origine de la pollution par les hydrocarbures. Le carburant diesel qu'il transportait comme principale source de carburant était teinté en rouge. Aucune teinture rouge n'a été observée dans les irisations d'hydrocarbures. Le NGCC George R. Pearkes transportait aussi du carburant de turbo-moteur A-1 (semblable au kérosène, mais un peu plus léger) pour les opérations par hélicoptère, mais aucune opération de ce genre n'a été menée au moment des faits. Bien que le système d'avitaillement en carburant de l'hélicoptère ait fait l'objet de travaux de maintenance à peu près au moment de l'incident, ces travaux ont eu lieu seulement après que le navire ait quitté Postville. Il est donc conclu que le George R. Pearkes n'est pas une source plausible de la pollution par les hydrocarbures.

[30]           En ce qui concerne le Tuvaq W, il s'est rendu à Postville pour livrer du carburant, y compris du kérosène à très faible teneur en soufre (« KFTS »), à une compagnie de Woodward et à NL Hydro. Le navire a commencé à transférer du carburant à terre le soir du 6 juin 2020, mais cette opération a dû être interrompue lorsque la présence de glace a été signalée dans le secteur. L'opération a été achevée le lendemain (le 7 juin).

[31]           Comme pour le George R. Pearkes, le principal carburant (diesel) du Tuvaq W était teinté en rouge. Aucune teinture n'a été décelée dans les échantillons d'hydrocarbures prélevés sur les lieux. On peut donc conclure que les systèmes de carburant du Tuvaq W n'étaient pas à l'origine du rejet d'hydrocarbures.

[32]           En réponse à l'assignation délivrée à Woodward, de l'information a été obtenue sur les quantités d'hydrocarbures que le Tuvaq W transportait en tant que cargaison. Cette information est résumée dans les tableaux ci-dessous.

Volumes (m3) de KFTS du navire livrés à Woodward et NL Hydro

 

 

Registre des pompes du navire

Rapport sur les creux des réservoirs du navire

 

Totaux indiqués dans le rapport

Totaux indiqués dans le rapport

Totaux pour les réservoirs individuels

1. Arrivée à Postville

6 012

6 011,373

6 012,469

2. Après livraison à Woodward

5 950

5 948,012

5 948,591

3. Différence (1 moins 2)

62

63,361

63,878

4. Début de la livraison à NL Hydro

5 948

 

 

5. Différence (2 moins 4)

2

 

 

6. Départ (après livraison à NL Hydro)

5 607

5 611,689[1]

5 611,689

7. Différence (4 moins 6)

341

 

 

8. Différence (2 moins 6)

 

336,323

336,902

9. Total des différences (3, 5, 7 et 8)

405

399,684

400,780

 

Volume (L) de KFTS facturé comparativement aux volumes du navire

 

Volume de KFTS facturé à Woodward

60 828

60 828

60 828

Volume de KFTS facturé à NL Hydro

343 152

343 152

343 152

Volume total de KFTS facturé à Postville

403 980

403 980

403 980

Moins 9 (converti en L)

405 000

399 684

400 780

Différence (perte)

(1 020)

4 296

3 200

Tableau 2 – KFTS transporté et transféré par le Tuvaq W

Volumes (m3) d'essence ordinaire sans plomb (« EOSP ») du navire livrés à Woodward

 

 

Registre des pompes du navire

Rapport sur les creux des réservoirs du navire

 

Totaux indiqués dans le rapport

Totaux indiqués dans le rapport

Totaux pour les réservoirs individuels

1. Arrivée à Postville

1 214

1 214,424

1 214,600

2. Après livraison à Woodward

1 145

1 146,364

1 146,446

3. Différence (1 moins 2)

69

68,060

68,154

4. Départ

 

1 144,399

1 144,399

5. Différence (2 moins 4)

 

1,965

2,047

6. Total des différences (3 et 5)

 

70,025

70,201

 

Volume (L) d'essence ordinaire sans plomb facturé comparativement aux volumes du navire

 

Volume d'EOSP facturé à Woodward

67 510

67 510

67 510

Moins 6 (converti en L)

69 000

70 025

70 201

Différence (perte)

(1 490)

(2 515)

(2 691)

Tableau 3 – EOSP transportée et transférée par le Tuvaq W

[33]           Les chiffres montrent une perte nette de 1 020 litres de KFTS lorsque la facture de Woodward est comparée aux registres des pompes du navire. Cependant, les chiffres montrent aussi un gain net de 3 200 à 4 296 litres lorsque la facture est comparée aux rapports sur les creux des réservoirs du navire. On peut s'attendre à des divergences dans les volumes d'hydrocarbures à bord d'un navire-citerne à la suite d'une livraison, en raison du mouvement de la cargaison, des conditions de vent et de mer, de jauges défectueuses ou d'erreurs de lecture. Pour les besoins de la présente lettre d'offre, aucune conclusion n'est tirée des chiffres de Woodward, sauf que les registres de Woodward n'excluent pas la possibilité que la cargaison du Tuvaq W ait été à l'origine du déversement.

[34]           De son côté, Woodward affirme que le déversement d'origine inconnue a été causé par un rejet de source terrestre provenant d'un réservoir inutilisé se trouvant à une ancienne épicerie. Woodward a indiqué que, vers la fin de 2020, il a participé à une intervention environnementale sur les lieux de l'ancienne épicerie de Postville. Selon Woodward, c'est l'explication la plus plausible du rejet d'hydrocarbures.

[35]           Aucune preuve n'appuie l'affirmation de Woodward selon laquelle le réservoir se trouvant à l'ancienne épicerie ait rejeté du carburant dans l'eau au moment des faits. Aucun témoin n'a constaté la présence de pollution par les hydrocarbures provenant de l'ancienne épicerie au moment de l'incident. De plus, les nombreuses inspections terrestres faites dans le secteur auraient probablement décelé la présence d'hydrocarbures provenant du réservoir de l'ancienne épicerie, si celui-ci avait été à l'origine du déversement.

[36]           De façon plus générale, l'information fournie par la GCC montre que les membres de la GCC et les représentants du gouvernement Nunatsiavut ont inspecté toutes les sources plausibles d'un rejet d'origine terrestre. Aucun intervenant n'a trouvé de preuve d'une fuite ou d'un rejet de source terrestre, notamment à la suite d'une inspection visuelle des lieux terrestres suivants :

         les réservoirs de stockage de carburant d'Aurora Energy;

         la centrale électrique à diesel de NL Hydro, son installation de stockage de carburant, et les lieux de décharge de l'eau pompée de l'intérieur de la zone de rétention de l'installation;

         l'installation de stockage de carburant de Woodward, et les lieux de décharge de l'eau pompée de l'intérieur de la zone de rétention de l'installation;

         les réservoirs de stockage de carburant dans la communauté de Postville, y compris ceux de l'école, du centre communautaire et de l'ancienne épicerie;

         le site d'enfouissement sanitaire de la ville et la zone de drainage;

         les points de rejet des eaux d'égout;

         le secteur du quai, y compris la station de levage située près du quai; et

         les lieux d'entreposage de ferraille et de vieux véhicules.

[37]           De plus, un agent du ministère du Gouvernement et des Services numériques de Terre-Neuve-et-Labrador a fait une inspection du rivage à compter du 11 juin 2020. L'inspection a porté sur tout le rivage, depuis Sandy Point (300 mètres au sud-ouest des installations de manutention d'hydrocarbures de Woodward et NL Hydro) jusqu'à la zone de drainage du site d'enfouissement sanitaire de Postville (750 mètres au nord du terminal de traversier). Une irisation d'hydrocarbures a été décelée près du quai de Postville, qui s'étendait le long du rivage jusqu'à un point situé juste avant la zone de drainage du site d'enfouissement sanitaire, mais aucune source terrestre n'a été déterminée comme étant à l'origine de l'irisation d'hydrocarbures. Les installations de manutention d'hydrocarbures, les zones de drainage de ces installations, ainsi que les divers réservoirs se trouvant dans la ville ont été inspectés, mais aucune fuite ou déversement n'a été décelé.

[38]           La Caisse a obtenu une photo prise lors d'un survol effectué le 7 juin :

Figure 3 – Le Tuvaq W le 7 juin 2020 à Postville (source : PAL Aerospace) [annotations ajoutées]

 

[39]           Le réservoir de l'ancienne épicerie que Woodward a montré du doigt comme étant à l'origine du déversement se trouve à un endroit qui ne correspond pas à celui où l'irisation d'hydrocarbures a été observée le 7 juin 2020.

[40]           En bref, aucune preuve montrant que le rejet était de source terrestre n'a été trouvée, et les inspections qui ont été faites auraient probablement permis de découvrir une telle preuve si la cause du rejet avait été d'origine terrestre.

[41]           Inversement, le Tuvaq W est un pétrolier qui était en train de décharger sa cargaison à proximité de l'endroit où les irisations d'hydrocarbures ont été constatées la première fois, peu de temps avant que les irisations n'aient été observées et que l'odeur d'hydrocarbures n'ait été décelée dans la communauté. Les journaux de bord du navire ne permettent pas d'exclure la possibilité que celui-ci ait été à l'origine de la pollution par les hydrocarbures.

[42]           Selon la preuve disponible, il serait inapproprié de conclure que le rejet d'hydrocarbures ayant causé cet incident ne provenait pas d'un navire. La demande d'indemnisation de la GCC n'est donc pas rejetée en vertu du paragraphe 105(4) de la LRMM.

 

AUTRES CONCLUSIONS ET DÉCISIONS

Admissibilité du demandeur

[43]           La GCC est un demandeur admissible et l'incident s'est produit dans la mer territoriale ou les eaux intérieures du Canada.

[44]           Une irisation d'hydrocarbures a été constatée dans l'eau près de Postville. Cela constitue des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. Les mesures prises en réponse à l'incident pourraient être considérées comme étant raisonnables et elles pourraient donc être indemnisables.

[45]           La demande d'indemnisation est donc jugée admissible en vertu de l'article 103 de la LRMM, sous réserve d'un examen des frais réclamés.

 

DÉTAILS DE LA DEMANDE D'INDEMNISATION ET DE L'OFFRE

[46]           Les frais réclamés dans la demande d'indemnisation de la GCC sont répartis en plusieurs catégories. Cette section de la lettre d'offre examine chacune de ces catégories en détail et explique les raisons pour lesquelles les frais réclamés ont été acceptés ou rejetés.

[47]           Le tableau ci-dessous montre un sommaire des frais réclamés par la GCC, suivi d'un examen de chacune des annexes.

Annexe

Montant réclamé

1 – Matériel et fournitures

4 038,51 $

3 – Déplacements

11 191,49 $

4 – Salaires – Personnel à temps plein

6 081,14 $

5 – Heures de travail supplémentaires – Personnel à temps plein

10 586,93 $

13 – Administration

752,64 $

Totaux

32 650,70 $

Tableau 4 – Sommaire des frais réclamés

[48]           En ce qui concerne la majeure partie des frais réclamés à l'annexe 1, on ne sait pas si le matériel a vraiment été utilisé ou non durant l'intervention. Plus précisément, la GCC a réclamé les frais de barrages flottants qu'elle a commandés et qui lui ont été expédiés le 12 juin 2020.

[49]           Le journal de bord du George R. Pearkes indique que, le 10 juin 2020, son équipage a déployé un barrage flottant d'environ 80 pieds près du quai de Postville. Un autre barrage flottant d'environ 100 pieds a été placé près du quai du traversier. Les barrages flottants ont été récupérés et remis en place le 11 juin. Rien n'indique que ces barrages flottants aient été éliminés ou qu'il ait été nécessaire de les remplacer. Le matériel absorbant stocké à bord du George R. Pearkes n'a apparemment pas été déployé.

[50]           Les documents de la demande d'indemnisation indiquent que, le 12 juin 2020, [traduction] « le matériel absorbant souillé a été récupéré et placé à bord du NGCC George R. Pearkes pour être transporté et éliminé »; cependant, aucun autre renseignement descriptif ou quantitatif n'a été fourni pour indiquer si le matériel absorbant souillé faisait partie de l'achat de barrages flottants. Par ailleurs, le 11 juin, l'irisation d'hydrocarbures dans l'eau était apparemment irrécupérable.

[51]           On dit aussi que [traduction] « des dispositions ont été prises avec les autorités locales pour entreposer le matériel absorbant inutilisé à Postville. »

[52]           En bref, bien qu'il soit admis que la GCC a acheté du matériel absorbant pour l'intervention, et qu'elle ait réclamé les frais de ce matériel, la preuve ne montre pas clairement que ce matériel a vraiment été utilisé. De plus, bien que la preuve montre clairement que du matériel et de l'équipement ont été utilisés, on ne sait pas si ce matériel a été endommagé ou s'il a dû être remplacé.

[53]           Les demandeurs doivent être conscients de l'importance de fournir des détails sur l'usage d'articles jetables lorsqu'ils présentent une demande d'indemnisation.

[54]           Par conséquent, la portion de la demande d'indemnisation relative aux frais réclamés à l'annexe 1 est rejetée, à l'exception des frais de 119,31 $ pour les carnets et les stylos à l'épreuve de l'eau qui ont été utilisés durant l'intervention, lesquels sont acceptés.

[55]           Les frais réclamés aux annexes 4 et 5 pour les salaires et les heures de travail supplémentaires doivent être examinés. Le 11 juin 2020, l'irisation d'hydrocarbures visible près de Postville s'était dissipée et son volume n'était plus que d'environ 354 litres. La GCC a jugé qu'elle était irrécupérable. Le 12 juin, aucune pollution par les hydrocarbures n'a été observée lors d'un survol effectué dans le secteur. La GCC a poursuivi son intervention pendant deux autres jours, avant de mettre fin à son déploiement le 15 juin.

[56]           Dans d'autres circonstances, il aurait été déraisonnable pour la GCC de poursuivre ses activités après le 12 juin. Il y avait peu à gagner à poursuivre l'intervention, étant donné que les hydrocarbures visibles étaient irrécupérables et qu'on ne décelait aucune autre pollution par les hydrocarbures, comme c'était le cas à la fin de la journée du 12 juin.

[57]           Cependant, il faut reconnaître que la GCC était confrontée à un déversement d'origine inconnue. La source du rejet, pour autant que ce n'était pas le Tuvaq W, n'avait pas été déterminée. De plus, comme il est noté à la figure 2, une autre irisation d'hydrocarbures a été observée le 13 juin. Cela montre que les conditions locales étaient changeantes et qu'il aurait pu être malavisé de mettre fin au déploiement seulement une journée après qu'aucune autre pollution par les hydrocarbures n'ait été observée. Par conséquent, il est déterminé, d'après la preuve disponible, qu'il était raisonnable pour la GCC de poursuivre son intervention les 13 et 14 juin, avant de se démobiliser le 15 juin. Les frais réclamés pour les salaires et les heures de travail supplémentaires sont donc acceptés.

[58]           Les frais de déplacement sont acceptés. Il est à noter qu'à l'origine, un membre du personnel de la GCC devait se rendre directement à Postville par vol nolisé, mais la piste d'atterrissage locale était trop courte. L'agent de la GCC a donc dû se rendre d'abord à Goose Bay. Cela n'était pas idéal, mais dans les circonstances, y compris le besoin urgent pour les agents de la GCC de se rendre sur les lieux de l'incident, ces frais sont acceptés. Les autres frais de déplacement sont jugés raisonnables et sont conformes à la politique du gouvernement.

[59]           Les frais d'administration réclamés nécessitent un ajustement mineur. Le taux de 3,09 % appliqué au matériel et fournitures, aux déplacements et aux salaires du personnel à temps plein est accepté par l'administrateur, puisqu'il reflète les frais engagés par la GCC pour administrer les ressources qu'elle a employées durant son intervention. Les frais d'administration réclamés ont été recalculés pour tenir compte des réductions apportées aux frais réclamés à l'annexe 1.

 

Frais d'administration acceptés

Description des frais acceptés

Montants

1 – Matériel et fournitures

119,31 $

3 – Déplacements

11 191,49 $

4 – Salaires du personnel à temps plein (moins la marge de 20 % pour le régime d'avantages sociaux des employés)

5 067,62 $

Total partiel

16 378,42 $

Frais d'administration – 3,09 % du total partiel

506,09 $

Tableau 5 - Calcul des frais d'administration

 

SOMMAIRE DE L'OFFRE ET CONCLUSION

[60]           Le tableau suivant montre un sommaire des frais réclamés et des frais recevables.

Annexe

Montant réclamé

Montant offert

1 – Matériel et fournitures

4 038,51 $

119,31 $

3 – Déplacements

11 191,49 $

11 191,49 $

4 – Salaires – Personnel à temps plein

6 081,14 $

6 081,04 $

5 – Heures de travail supplémentaires – Personnel à temps plein

10 586,93 $

10 586,93 $

13 – Administration

752,64 $

506,09 $

TOTAL

32 650,70 $

28 484,86 $

Tableau 6 - Sommaires des frais réclamés et des frais recevables

[61]           Le montant des frais recevables s'élève à 28 484,86 $. Si l'offre est acceptée, ce montant sera payé en plus des intérêts prévus par la loi qui seront calculés à la date du paiement.

***

[62]           Dans votre examen de l'offre, veuillez prendre note des choix et des délais suivants énoncés à l'article 106 de la LRMM.

[63]           Vous disposez d'un délai de 60 jours, à compter de la réception de l'offre, pour aviser le soussigné si vous l'acceptez. Vous pouvez nous informer de votre acceptation de l'offre par tout moyen de communication, au plus tard à 16 h 30 (heure de l'Est) le dernier jour du délai. Si vous acceptez l'offre, la somme offerte vous sera versée sans tarder.

[64]           Autrement, vous pouvez, dans les 60 jours suivant la réception de l'offre, interjeter appel devant la Cour fédérale. Si vous souhaitez interjeter appel de l'offre, conformément aux règles 335(c), 337 et 338 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, vous pouvez le faire en déposant un avis d'appel établi selon la formule 337. Vous devez le signifier à l'administrateur, qui sera désigné à titre d'intimé dans l'appel. En vertu des règles 317 et 350 des Règles des Cours fédérales, vous pouvez demander une copie certifiée conforme des documents de l'office fédéral.

[65]           La LRMM prévoit que si nous ne sommes pas avisés de votre choix dans le délai de 60 jours, vous serez présumé avoir refusé l'offre. Aucune autre offre ne sera faite.

[66]           Enfin, lorsque le demandeur accepte l'offre d'indemnité, l’administrateur devient subrogé dans les droits du demandeur relativement à l'objet de la demande d'indemnisation. Le demandeur doit alors cesser tous ses efforts de recouvrement, et il doit coopérer avec la Caisse dans ses efforts pour recouvrer par subrogation la somme qu'elle a versée.

Je vous prie d'agréer mes meilleures salutations.

L'administrateur adjoint de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires,

 

Mark A.M. Gauthier, B.A., LL.B.



[1] La température du CARGO TK N° 1 (P) indiquée dans le rapport sur les creux des réservoirs du navire est 20.000. Cela est sans doute une erreur de saisie ou de lecture du capteur. Le facteur de correction de température de 1.0069 a été appliqué au CARGO TK N° 1 (S) pour faire les calculs.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.