LETTRE DE REJET
2025-03-04 Ottawa (Ontario)
Dossier de la CIDPHN : 120-1002-C1
Gestionnaire, Soutien opérationnel
Conformité et application de la loi
Garde côtière canadienne
200, rue Kent
Ottawa (Ontario) K1A 0E6
Par courriel à DFO.CCGCostRecoveryRSP-RecouvrementdescoutsGCC.MPO@dfo-mpo.gc.ca
OBJET : Bateau de plaisance Celebrity – La Prairie (Québec)
Date de l’incident : 2021-06-17
SOMMAIRE ET REJET
[1] Cette lettre est en réponse à une réclamation présentée par la Garde côtière canadienne (la « GCC ») concernant un incident impliquant un bateau de plaisance de 31 pieds, appelé le Celebrity (le « navire »). Le navire a coulé à un quai situé à La Prairie le 17 juin 2021 (l’« incident »).
[2] Le 13 juin 2024, le Fonds Navire d’Indemnisation Navire et Rail Canada (le « Fonds ») a reçu une réclamation de la GCC au nom de l’administrateur. La réclamation était présentée en vertu des articles 101 et 103 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la « LRMM »). La GCC y demandait l’indemnisation des frais et dépenses qu’elle a engagés pour les mesures prises en réponse à l’incident, pour une somme totale de 4 970,64 $.
[3] La réclamation a été évaluée et une décision a été prise concernant les frais réclamés. Il est déterminé que le délai de prescription prévu à l’alinéa 103(2)a) de la LRMM a expiré avant que la réclamation ne soit présentée à l’administrateur. La réclamation n’est donc pas admissible en vertu du paragraphe 103(1) de la LRMM.
[4] Les motifs du rejet sont présentés ci‑après.
RÉCLAMATION REÇUE
[5] La réclamation comprend un exposé qui décrit les événements relatifs à l’incident. Elle comprend aussi un résumé des frais et dépenses réclamés par la GCC ainsi que des documents justificatifs. Dans la mesure où l’exposé et les documents justificatifs se rapportent à la décision, leur contenu est examiné ci‑après.
Résumé de l’exposé
[6] D’après l’exposé, le 17 juin 2021 à 16 h 01, la GCC a été avisée qu’un bateau de plaisance de 31 pieds, appelé le Celebrity, coulait à un quai. Le propriétaire du bateau a apparemment signalé en premier que le bateau coulait. Peu après, il a confirmé que le navire, qui contenait environ 600 litres d’hydrocarbures à bord, reposait désormais au fond de l’eau.
[7] Le navire avait coulé semble‑t‑il parce que le propriétaire avait négligé de fixer un bouchon avant de débarquer du navire.
[8] Le propriétaire n’a pas signalé de pollution par les hydrocarbures visible.
[9] La GCC a mené une intervention après que le propriétaire a indiqué ne pas être assuré, ni être en mesure de sortir le navire de l’eau lui‑même.
[10] Le navire a été renfloué le jour‑même, avec l’aide d’un entrepreneur engagé par la GCC. La nuit étant tombée au moment où les opérations ont débuté, le renflouement a été réalisé à la lumière de lampes.
[11] D’après l’exposé, le chef des opérations de l’entrepreneur « a confirmé qu’il n’y a eu aucune pollution avant et durant les activités de renflouement ».
CONSTATATIONS ET CONCLUSIONS
La réclamation de la GCC pourrait être admissible selon l’article 103 de la LRMM
[12] L’incident a causé des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans la mer territoriale ou les eaux intérieures du Canada, et il a occasionné des frais et dépenses pour la prise de mesures visant à réparer les dommages dus à la pollution et à atténuer d’autres dommages. Les frais réclamés découlant de l’incident pourraient donc être indemnisables.
[13] La GCC est un demandeur admissible pour l’application de l’article 103 de la LRMM.
[14] La réclamation a été reçue avant l’expiration des délais énoncés au paragraphe 103(2) de la LRMM.
[15] Certains frais réclamés semblent avoir été engagés pour la prise de mesures raisonnables visant à « prévenir, contrer, réparer ou réduire au minimum » les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par un navire, comme le prévoit la partie 6, section 2 de la LRMM. Ou alors, ces frais et dépenses découlent de la prise de mesures préventives, en vertu de la Convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute. Dans chacun des cas, certains des frais et dépenses réclamés pourraient être indemnisables.
[16] La réclamation est donc admissible, sous réserve de tout délai de prescription qui s’applique. Le délai applicable est celui énoncé au paragraphe 103(2) de la LRMM.
Conclusions concernant la preuve fournie par la GCC
[17] Le paragraphe 103(1) de la LRMM, tel qu’il existait au moment de l’incident, prévoit ce qui suit[1] :
[18] Les réclamations présentées en vertu du paragraphe 103(1) de la LRMM sont assujetties aux délais de prescription énoncés au paragraphe 103(2) :
[19] Afin d’appliquer le délai de prescription, il faut déterminer si un rejet d’hydrocarbures a causé des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. Si c’est le cas, une réclamation doit alors être soumise dans les deux ans suivant la date à laquelle les dommages se sont produits et dans les cinq ans suivant l’événement.
Quelques faits doivent être examinés concernant le délai de prescription
[20] Dans la présente réclamation, l’incident et l’intervention se déroulent sur une seule journée. La réclamation a été présentée à l’administrateur plus de deux ans après l’incident. D’après la jurisprudence, y compris celle découlant de la réclamation relative au Miss Terri, la présente réclamation devrait être rejetée. Elle a en effet été soumise après l’expiration du délai applicable dans le cas où un rejet de pollution par les hydrocarbures s’est produit au cours de l’incident.
[21] La réclamation comprend peu de preuves se rapportant au rejet d’hydrocarbures, indépendamment du fait que ce seuil bien établi doit être atteint pour qu’une réclamation soit admissible.
[22] L’exposé de la réclamation contient deux photographies du navire. Aucune des deux n’est utile. Si un rejet s’était produit, cela aurait été très vraisemblablement après que le navire a coulé, avant qu’il soit renfloué. Les photographies ont toutes deux été prises en dehors de la période pertinente. La première a été prise lorsque le navire coulait, mais avant qu’il n’ait touché le fond. Il ne semble pas être immergé de façon significative. La deuxième photographie a été prise après que le navire a été renfloué. Les photographies ont ainsi peu de valeur pour pouvoir déterminer si un rejet s’est produit.
[23] La preuve fournie ne comporte pas d’observations attestées.
[24] D’après l’exposé, le chef des opérations de l’entrepreneur a confirmé qu’aucun hydrocarbure ne s’est déversé avant ou pendant l’opération de renflouement.
[25] Dans le cas présent, l’exposé ne peut être accepté comme preuve. Son auteur est inconnu. La date à laquelle il a été préparé est inconnue. La source de ses renseignements, lorsqu’elle ne renvoie pas à une preuve fournie dans la réclamation, n’est pas précisée. L’exposé est utile pour orienter la preuve fournie et donne des détails précis qui, sans gros efforts, n’auraient peut‑être pas pu être connus. Mais l’exposé ne contribue pas à combler les lacunes dans la preuve fournie sur des questions clés.
[26] Concernant les propos du chef des opérations de l’entrepreneur, la réclamation aurait dû contenir les éléments sur lesquels repose l’assertion avancée dans l’exposé. Le chef des opérations a‑t‑il envoyé un courriel? A‑t‑il laissé un message téléphonique? S’il s’agit d’un appel ou d’un conseil fourni oralement, c’était certainement il y a des années. Il a donc dû être consigné par écrit pour être aujourd’hui retranscrit avec précision. Quelle que soit la source des renseignements présentés dans l’exposé, elle n’a pas pu être trouvée dans la réclamation.
[27] L’assertion faisant valoir qu’aucun hydrocarbure n’était visible a été acceptée comme transmettant avec exactitude la preuve apportée par le chef des opérations. Malgré tout, il convient de remettre en question la fiabilité de cette preuve. D’après l’exposé, le chef des opérations est arrivé au quai plusieurs heures après que le navire avait coulé, après le coucher du soleil[2]. Autrement dit, un rejet d’hydrocarbures a pu se produire avant son arrivée. Il n’était peut‑être pas visible en raison de l’éclairage disponible au moment où le chef des opérations est arrivé sur place.
[28] Tous ces éléments ramènent à la conclusion que la preuve fournie ne suffit pas à démontrer un rejet ou non d’hydrocarbures dans cet incident.
[29] Il est jugé approprié de présumer que lorsqu’un bateau de plaisance, dont le navire, chargé de carburant, coule ou devient presque totalement immergé, un rejet se produira. Il convient de souligner que la preuve fournie comprend bien des notes du chef des opérations. Dans ces notes, il mentionne que les moteurs du navire n’étaient pas correctement installés. À tout le moins, cela ne réduirait pas le risque de rejet d’hydrocarbures.
[30] En bref, il y a lieu de présumer qu’un rejet s’est produit. Comme il y a une absence totale de preuve sur ce point qui soit susceptible de supplanter cette présomption, aux fins de la présente décision, il est conclu qu’un rejet s’est produit.
[31] La réclamation est donc soumise après la date limite pertinente. Cette réclamation est rejetée.
***
[32] Dans votre examen de la présente lettre de rejet, veuillez prendre note des choix et des délais suivants énoncés à l’article 106 de la LRMM.
[33] En vertu du paragraphe 106(2) de la LRMM, le rejet d’une réclamation peut être porté en appel devant la Cour d’amirauté, dans les 60 jours suivant la réception de l’avis de rejet de la réclamation. La présente lettre constitue l’avis de rejet de la réclamation. Si vous souhaitez interjeter appel du rejet, conformément aux règles 335(c), 337 et 338 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, vous pouvez le faire en déposant un avis d’appel établi selon la formule 337. Vous devez le signifier à l’administrateur, qui sera désigné à titre d’intimé dans l’appel. En vertu des règles 317 et 350 des Règles des Cours fédérales, vous pouvez demander une copie du dossier certifié du tribunal.
Je vous prie d’agréer mes meilleures salutations,
L’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires,
Mark A.M. Gauthier, B.A., LL.B.
[1] Toutes les références faites à la LRMM dans la présente lettre se rapportent à la version en vigueur au moment de l’incident.
[2] D’après les renseignements obtenus sur timeanddate.com, le coucher du soleil à La Prairie le 17 juin 2021 était à 20 h 45. L’exposé indique que le chef des opérations est arrivé sur place à 21 h 14.